Oméga II

Chapitre 6

Dieu ne vous a pas donné ce message...

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Albion Fox Ballenger était un prédicateur né, gentil et beau malgré une énorme moustache longue et flottante; il était éloquent et possédait l'art d'entraîner les autres derrière lui. On pouvait difficilement trouver dans l'Amérique du Nord une Conférence où il n'avait pas été en qualité d'orateur de camp-meeting, et son livre, Power for Witnessing (Puissance pour témoigner), était bien connu. Séduisant et aimable, il écrivait occasionnellement de la poésie, et il était capable de parler avec une douceur si désarmante que ne pas croire en ce qu'il disait apparaissait presque comme répudier ses propres sens.

Bientôt cela deviendrait un problème : Ballenger possédait un tel charisme qu'il pouvait conduire des personnes non réfléchies à des conclusions impensables.

Le 16 mars 1905, le président Daniells, de la Conférence Générale, écrivit à William C. White qui était en Californie, au sujet d'un problème préoccupant. Le pasteur Ballenger, récemment envoyé en Angleterre comme évangéliste et super intendant de la mission, commençait à dire des choses curieuses concernant la doctrine du sanctuaire – des choses semblables à celles qui avaient fait partir D. M. Canright de l'Église, dix-huit ans auparavant. Apparemment, Ballenger rencontrait beaucoup de partisans dans les églises d'Irlande, du Pays de Galles et de l'Angleterre du Nord. Toutes les contrées dans lesquelles il était passé étaient maintenant en agitation. A Birmingham, et dans d'autres villes, les frères dirigeants avaient tout à coup de « sérieuses difficultés » « au sujet du sanctuaire ». À Londres, le pasteur Eugène Farnsworth essayait désespérément de réparer les dégâts; il était presque hors de lui-même et avait écrit à frère Daniells pour demander de l'aide dans les mots mêmes cités par Daniells dans sa lettre à Ellen White :

« Frère Ballenger est arrivé dans un état d'esprit qui semble le rendre indigne de prêcher le message. Il a étudié le sanctuaire bien des fois récemment et il arrive à la conclusion... que quand Jésus-Christ monta au ciel, il alla immédiatement dans le Lieu très saint et que son ministère s'effectua là depuis. Il prend des textes comme Hébreux 6:19 et les compare avec vingt-cinq ou trente expressions de ce genre dans l'Ancien Testament et il déclare que chaque fois le terme « au-delà du voile » signifie le Lieu très saint...

« Il voit clairement que cette interprétation ne peut pas s'harmoniser avec les témoignages » déclara Farnsworth, en ajoutant qu'entre Ballenger et Ellen White il existait « une différence irréconciliable » apparente aussi à Ballenger même. Ballenger faisait observer que Hébreux 6:19-20 décrit Jésus qui entre « au-delà du voile » et que puisqu'il y avait un voile entre le Lieu saint et le Lieu très saint, cela doit signifier qu'à son ascension il entra directement dans le saint des saints. Cet argument ignore Hébreux 9:3, qui explique qu'il y avait deux voiles dans le sanctuaire, et que l'un d'entre eux était à la porte extérieure du Lieu saint. Il ignore encore la lumière puissante de Daniel 7, dont nous parlerons plus loin. Finalement, il ignore le fait que Dieu dans la Bible a été décrit dans d'autres lieux que le Lieu très saint. En Ézéchiel 10, le trône de Dieu apparaît pour une fois dans le Lieu saint plutôt que dans le Lieu très saint, et Ézéchiel 9 décrit « la gloire du Dieu d'Israël » qui abandonne les chérubins et s'attarde sur le « seuil de la maison ». Ballenger semble avoir ignoré le fait que le trône de Dieu peut se déplacer ! – et il le fait.

Cela vaut la peine de s'arrêter un moment pour comprendre ce que disait Ballenger. Il soutenait que Christ à son ascension était allé directement dans le Lieu très saint du sanctuaire céleste, un argument qu'aujourd'hui on pourrait considérer de peu d'importance. Mais à cette époque-là, il fit sonner l'alarme dans les quartiers généraux de l'Église, et cela pour une raison très spécifique : cet argument amenait à une conclusion totalement contraire à celle établie par les Adventistes.

Les pionniers, y compris Ellen White, disaient qu'à son ascension, Jésus était entré dans le Lieu saint, pour y accomplir un ministère très spécifique et nécessaire. Ils croyaient qu'en 1844, il s'était déplacé dans le Lieu très saint pour commencer le jugement. Prétendant que Jésus était allé directement dans le saint des saints, Ballenger court-circuita entièrement le ministère de Christ dans le Lieu saint, et par extension logique, aussi le début du jugement en 1844. Suivez cette notion jusqu'à sa conclusion, et rien ne se passa en 1844. Christ n'était, peut-être, pas entré alors dans le Lieu très saint, insistait Ballenger; il avait toujours « été » là.

À une époque où les termes de « Lieu saint » et « Lieu très saint » ont souvent été désignés par une terminologie comme « Phases du Ministère de Christ », on se sent en droit de se demander pourquoi le sujet du ministère de Christ dans le Lieu saint a tellement préoccupé les dirigeants de l'Église de 1905. La réponse, comme nous verrons dans ce chapitre, est que l'argument n'est pas accidentel mais très profond.

Ellen White et les autres pionniers de l'Église croyaient que le sanctuaire céleste était exactement ce que la Bible disait qu'il était – une place très réelle avec trois structures distinctes : un parvis, un Lieu saint et un Lieu très saint. Comme nous le verrons dans un moment, chacune de ces divisions du sanctuaire signifie quelque chose. Elles illustrent la totalité du plan du salut. Éliminez-en une, et vous perdrez la clarté du message adventiste.

Le parvis illustre la repentance et la confession du péché. Le Lieu saint ajoute à cela le ministère de Christ pour la sanctification, là où le peuple de Dieu accepte sa justice impartie, avec tous les changements de comportement que cela implique. Son ministère dans le Lieu saint est par conséquent une partie vitale de la préparation de son peuple pour le jugement. À son tour, le Lieu très saint révèle le jugement lui-même, dans lequel les vies de ceux qui réclament le salut sont comparées avec la norme de la loi de Dieu. Ainsi le sanctuaire illustre un processus à travers lequel chaque croyant, dans chaque époque, doit passer. Éliminez un élément, et tout s'écroulera.

Comme toutes les illustrations divines, celle-ci est étonnante dans sa clarté. Au sein de la vérité du sanctuaire, il y a un point si clair que l'on s'étonne de voir un être humain spirituel l'ignorer. Si le Lieu très saint illustre le jugement, et si le ministère de Christ dans le Lieu saint symbolise son œuvre pour nous préparer pour le jugement, alors personne dans son esprit ne devrait considérer le ministère dans le Lieu saint comme sans importance. Évacuez-le, et vous ferez face au jugement sans avocat, sans Rédempteur. Désirer cela, c'est ne pas être sain d'esprit. Et pourtant en 1905, c'était ce que prêchait Ballenger.

Ainsi chaque partie du sanctuaire – tant le céleste que le terrestre – signifie quelque chose. Chacune illustre une étape dans la préparation pour rencontrer Dieu. Ignorez l'une d'elles, éliminez-la, ou balayez-la doucement avec un langage convenable, et la génération de la fin des temps se trouvera sans la préparation spirituelle nécessaire pour affronter les problèmes de ce moment. En 1905, les Adventistes qui réfléchissaient étaient encore assez proches des racines de l'Adventisme pour reconnaître tout cela.

Eugène Farnsworth était certainement en mesure de le voir. Il avait été baptisé à la fin de l'hiver à Washington, New Hampshire, dans un trou creusé à travers soixante centimètres de glace et il n'avait pas l'intention de laisser s'installer la confusion sur des choses aussi importantes que le sanctuaire. Daniells non plus n'en avait pas l'intention. Après avoir bien médité sur la lettre de Farnsworth, frère Daniells écrivit à frère W. White, demandant « comment la dénomination pourrait résoudre le problème posé par Ballenger ». « Je serais bien aise qu'il quitte la Grande-Bretagne » disait-il, « mais que ferions-nous de lui ici ? Je ne puis le savoir actuellement. Il semble étrange qu'un homme qui a été dans ce message toute sa vie puisse dériver sur une telle question. Le sanctuaire est le pilier central de tout ce mouvement; si on le déplace, tout le reste s'écroule ».

« Connaissez-vous ce frère et avez-vous quelques conseils à donner ? »

En effet le frère William White connaissait Ballenger ainsi d'ailleurs qu'Ellen White. Ce n'était pas la première fois qu'il arrivait à Ballenger de se tromper sur des principes fondamentaux de la doctrine adventiste. Quelques années auparavant, étant éditeur-adjoint du journal adventiste sur la liberté religieuse, il émit l'idée que l'Église devrait être plus conciliante en appuyant moins sur ses doctrines distinctives. Ellen White se souvenait bien de cet homme à l'allure jeune, portant une énorme moustache. À cette occasion là, sa mauvaise idée avait été la cause d'une des visions les plus impressionnantes qu'Ellen White ait jamais eues. La vision entra dans l'histoire adventiste avec le nom de vision de Salamanca.

En novembre 1890, Ellen White avait participé à l'assemblée de l'état de Pennsylvania qui avait eu lieu à Salamanca, New-York, immédiatement au delà des frontières avec la Pennsylvanie. Il faisait mauvais temps, une pluie froide tournait en neige, et pendant le voyage elle attrapa un rhume. Ses conditions empirèrent à Salamanca, au point que tous (y compris elle-même) pensèrent qu'elle aurait fait mieux de rentrer chez elle pour récupérer. Malade, fatiguée, et nerveuse, une nuit, elle s'agenouilla enfin à côté de son lit pour prier, craignant en secret qu'elle n'ait plus la force pour récupérer. « Je n'avais pas encore prononcé une parole » raconta-t-elle plus tard, « quand toute la chambre sembla pleine d'une faible lumière argentée, et ma douleur et mon découragement avaient disparus ». Après, elle fut saisie en vision, où elle vit les détails douloureux d'une erreur en train d'être commise par certains dirigeants de l'Église : ils auraient proposé d'exclure du journal adventiste sur la liberté religieuse quelques-unes des doctrines les plus distinctives de l'Adventisme, de façon à obtenir l'approbation des lecteurs non-adventistes.

Cependant, ce ne fut pas cela seulement qui rendit l'expérience tellement extraordinaire. La particularité de la vision de Salamanca ne se trouve pas dans son contenu, mais dans la façon dont elle a été délivrée. Dans les mois qui suivirent, périodiquement elle avait essayé de relater cette vision en public. Chaque fois, elle commençait, mais ensuite elle était incapable de se rappeler d'autres détails. Pour ceux qui étaient à l'écoute, l'expérience était bizarre : cela pouvait leur donner motif à se demander si effectivement cette femme avait une vision à relater. Mais pour l'historien (et pour l'avocat, à la recherche de données probantes) l'événement est une mine d'or, puisqu'en essayant plusieurs fois de décrire la vision, elle confirma publiquement, qu'elle avait eu une vision plusieurs mois avant l'événement qu'elle aurait décrit fidèlement !

La visite à Salamanca eut lieu en novembre 1890. Quatre mois s'écoulèrent. Ayant recouvré la santé, elle compléta sa tournée d'assemblées de Conférences, et s'arrêta pour visiter les magnifiques grottes de Luray, en Virginie. Le mois de mars suivant, elle était de retour à Battle Creek, où elle participa à la session de printemps de la Conférence Générale. Tard dans l'après-midi d'un Sabbat, le frère Olsen lui demanda si elle pensait être présente à la réunion des pasteurs qui devait avoir lieu tôt le dimanche matin. Comme elle se sentait fatiguée, elle répondit qu'elle le chargeait d'être présent à l'assemblée.

Le soir de ce samedi-là, pendant que Mme White se reposait dans sa chambre, un groupe de dirigeants de l'Église se rendit dans la maison d'édition, entra dans le bureau privé du président et ferma la porte à clef derrière lui pour une réunion privée. Parmi eux, il y avait Albion Fox Ballenger, âgé de trente-cinq ans, le brillant et ambitieux secrétaire de l'Association Nationale de la Liberté Religieuse.

Derrière les portes fermées du bureau de Clément Eldridge, les hommes commencèrent à considérer une idée soutenue par Ballenger. Dans ce temps-là l'Église publiait un journal sur la liberté religieuse ayant pour titre American Sentinel. Pourquoi ne pas le rendre plus populaire en laissant tomber de l'entête les mots Seventh-day Adventist ? Pourquoi ne pas pousser l'idée un peu plus loin en enlevant toutes les références aux doctrines distinctives, comme le Sabbat ? En faisant apparaître le journal comme non-dénominationnel, « les grands personnages du monde l'auraient sponsorisé ». Au milieu du cercle, les figures rayonnaient d'enthousiasme. Le groupe commença à travailler sur le plan d'une politique vouée à transformer The Sentinel en un succès populaire ».

Les hommes s'étaient réunis à l'insu d'Ellen White. Mais quelque chose d'autre, qu'ils ne virent pas, se passa en cette nuit bizarre. À 3 heures du matin environ, Mme White était réveillée par un ange, raconta-t-elle plus tard, qui l'instruisit et lui dit de prendre part à l'assemblée des pasteurs qui aurait lieu ce matin-là, et cela pour une raison très spéciale : elle devrait révéler la vision de Salamanca. Jamais auparavant, elle n'avait été capable de décrire ces détails publiquement. Cette fois-là, elle les révélerait avec une clarté précise, puisque la vision reçue depuis si longtemps à Salamanca s'avérait révéler en détails les événements de l'assemblée du bureau d'Eldridge la nuit précédente !

Le matin suivant, à cinq heures trente, les pasteurs et les ouvriers se réunirent, avec parmi eux Ballenger et ses compatriotes. Ne s'attendant pas à voir Ellen White, ils avaient commencé leur réunion, quand tout-à-coup elle entra, un paquet de papiers sous le bras. « Pourquoi venez-vous, Sœur White » s'exclama frère Olsen, « avez-vous un message pour nous ? »

« Oui, en effet » répondit-elle. « Quand j'étais à Salamanca, le Seigneur me montra une assemblée à Battle Creek ». Et ensuite, elle décrivit, avec des détails méticuleux, les idées discutées la nuit précédente, avec les attitudes de ceux qui étaient présents.

Pour le dire dans un langage moderne, Albion Fox Ballenger se dégonfla. En larmes et « profondément ému », il se mit debout et déclara : « j'étais dans cette assemblée tenue jusque tard dans la nuit, et Sœur White en a fait la description détaillée. Les paroles mêmes qu'elle dit avoir entendues ont vraiment été prononcées la nuit dernière. Dans cette affaire, j'étais du mauvais côté... ».

Alors le drame du moment prit une nouvelle orientation. Jusqu'à ce moment-là, Ellen White ne savait même pas que l'assemblée qu'elle avait vue en vision avait eu lieu exactement la nuit avant. Comme Ballenger révéla ce fait, elle le regarda étonnée. Un des hommes présents raconta plus tard : « Je n'oublierai jamais la perplexité sur le visage de la chère femme, pendant qu'elle regardait Ballenger et qu'elle s'exclamait : 'La nuit dernière !' »

Ballenger n'était pas le seul à vérifier l'exactitude de son rapport. Eldridge aussi était là. « J'étais présent à l'assemblée. Si j'avais dû donner une description de ce qui se passa, et l'attitude personnelle de ceux qui étaient dans la salle, je n'aurais pas pu donner une description aussi exacte et aussi correcte que celle de Sœur White... Je reconnais que j'étais dans l'erreur. » Je suis bien conscient que certains critiques de cette histoire soutiennent que W. c. White était présent à l'assemblée secrète de Ballenger et qu'il raconta à sa mère ce qui se passa, lui permettant ainsi de « décrire » l'assemblée le matin suivant. Un moment de réflexion écarte cet argument. Aussi bien Ballenger qu'Eldridge étaient vraiment surpris à l'écoute de la façon dont Mme White décrivit avec exactitude leur discussion de la nuit précédente. Si W. c. White avait été présent à l'assemblée, ils auraient certainement conjecturé qu'il était la source de son information, et auraient bien difficilement pu montrer une telle surprise. Ballenger et d'autres furent émus aux larmes – ce n'est pas la sorte de réaction qu'on peut attendre s'il y a quelque explication humaine pour ce qui s'était passé ce dimanche matin à Battle Creek.

Des événements pareils nous aident à comprendre pourquoi tant de personnes l'ont acceptée comme prophète du Seigneur. Ce qu'il faut regretter, c'est qu'ils refusèrent si souvent de suivre ses conseils (une aberration que nous pourrions définir comme bizarre, si nous ne faisions pas souvent la même erreur), mais ceux qui ont vécu l'expérience d'événements comme l'assemblée de Battle Creek eurent une telle vision du surnaturel que ne pas croire en elle devient pour eux très difficile.

On rapporta une fois à un roi assyrien (selon toute probabilité par l'entourage du Général Naaman, qui avait un motif personnel de le connaître) qu'il y avait en Israël un prophète qui révélait les conseils de guerre tenus dans les quartiers les plus privés du roi. En 1905 aussi, il y avait un prophète en Israël. Des événements surnaturels répétés découvrirent que Dieu veillait sur le déroulement de son œuvre avec une intense sollicitude personnelle, mais cependant trop souvent son conseil était bientôt oublié. À Battle Creek, pendant un moment d'évidente intervention divine, Ballenger avait confessé avec larmes qu'il était dans l'erreur. Maintenant, quatorze ans après, il se retrouva à nouveau dériver loin d'un message qu'il avait reconnu pour vrai – et cette fois-là il dériva trop pour revenir en arrière.

Les récifs sur lesquels Albion Ballenger était maintenant en train de faire naufrage étaient quelque chose de plus grand qu'une question sur le sanctuaire. Dans son for intérieur, il y avait un autre doute : le Seigneur avait-il parlé à travers Ellen White ? Dans l'affirmative, l'Esprit de Prophétie pouvait-il être accepté comme source autorisée sur les questions de doctrine ?

Un ouvrier dans le ministère aurait pu, si la sécurité de son emploi l'exigeait, la considérer comme une « aimable femme chrétienne » dont les écrits « avaient été une bénédiction réelle », se réservant en secret le droit de décider si, sur une matière doctrinale, elle était autre chose qu'un auteur pieux. De pareilles réserves cachées se seraient inévitablement montrées en public, puisqu'aucun pasteur ne peut prêcher avec conviction sur un sujet sur lequel il a lui-même des doutes. En tous cas, l'Adventisme était confronté à une crise d'identité. Apocalypse 12:17 dit clairement que la dernière Église de Dieu serait bénie avec le don de prophétie. Mais si l'Esprit de Prophétie était tellement défectueux qu'on ne pouvait même pas lui reconnaître une autorité doctrinale, l'Adventisme pourrait-il réellement prétendre accomplir Apocalypse 12:17 ?

Pour Ballenger, qui troublait toutes les églises d'Angleterre en rapport à la vérité du sanctuaire, c'était un argument qu'il ne pouvait plus contourner par des subterfuges, puisque rien dans les écrits d'Ellen White n'était plus clair que sa position sur le sanctuaire.

« Le passage de l'Écriture qui avait été le fondement et le pilier central de la foi adventiste, c'était la déclaration suivante : Jusqu'à deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. »

« Le ministère du prêtre au cours de l'année dans le premier appartement du sanctuaire, à l'intérieur du voile qui constituait la porte et qui séparait le Lieu saint de la cour extérieure, représente l'œuvre de propitiation dans laquelle Christ entra à Son ascension... Cette œuvre de propitiation a continué pendant dix-huit siècles, dans le premier appartement du sanctuaire. »

Ce langage ne pouvait être plus clair. Si Mme White était le messager qu'elle prétendait être, alors pendant 1.800 ans Jésus avait accompli un ministère vital dans le Lieu saint. En 1844, il était « entré dans le Lieu très-saint du sanctuaire céleste, pour accomplir l'œuvre finale d'expiation préparant à sa venue. »

C'était ce que Ballenger était en train de mettre en doute, en laissant comme résultat les églises divisées. Il est important, par conséquent, de se poser une question : Était-ce correct du point de vue de la conformité avec la Bible ? Y avait-il au Ciel un sanctuaire avec deux appartements, et Christ était-il entré en 1844 dans le Lieu très-saint ?

Notre recherche d'une réponse va nous amener aux racines mêmes de l'Adventisme.

En automne 1844, il y avait plus de cent mille personnes qui se réclamaient de l'Adventisme. Il s'agissait d'un groupe éclectique, provenant d'une quantité d'obédiences – Baptistes, Méthodistes, Presbytériens, Connection Chrétienne – leur attention était attirée par un texte du livre de Daniel : « Jusqu'à deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. »

Ce texte, en Daniel 8:14, avait attiré l'intérêt des étudiants sérieux de la Bible pendant des centaines d'années. Déjà au neuvième siècle, un rabbin très connu qui s'appelait Nahawendi avait enseigné que les « 2.300 jours » de Daniel 8:14 prédisaient effectivement 2.300 ans d'événements prophétiques. Bien d'autres s'étaient unis dans cette conviction, entre eux le fameux savant et érudit biblique Sir Isaac Newton. Dans les années 1840, un professeur d'hébreu de l'Université de New-York admit ouvertement que la prophétie de Daniel représentait une période de 2.300 ans, et il déclara que cette période serait bientôt terminée.

Ainsi pendant des siècles, une grande quantité d'érudits bibliques étaient tombés d'accord que les 2.300 « jours » de Daniel 8:14 prédisaient en réalité 2.300 ans d'événements du monde, et la prophétie s'était avérée précise d'une façon impressionnante. À partir du décret d'un Roi de Perse en 457 av. J.c., la prophétie des 2.300 ans avait prédit correctement l'année exacte où Christ allait commencer son ministère terrestre – et l'année exacte de sa mort. Les deux événements s'étaient vérifiés exacts selon la prévision. La prophétie pouvait être vérifiée à travers l'histoire, et elle prouvait avec une certitude mathématique que Jésus-Christ était venu exactement quand cela était prévu. (Cela peut aussi expliquer pourquoi les savants persans, qui avaient probablement accès aux écrits de Daniel, avaient pu observer une nouvelle étoile dans le ciel occidental et avaient clairement reconnu qu'elle annonçait la naissance du Messie).

Mais ce n'était pas tout. Depuis son commencement en 457 av. J.c., la période de 2.300 ans s'étendait loin dans l'ère moderne, se terminant en l'an de grâce 1844. À cette époque, Daniel 8:14 avait prédit que quelque chose de vital se passerait : « Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. »

Comme 1844 approchait, ce texte soulèverait un intérêt renouvelé. Quelques 2.500 prédicateurs de partout dans le monde arrivèrent par erreur, à croire que cette date prévoyait le moment exact de la Seconde venue de Christ. Leur erreur ne consistait pas à attendre que quelque chose se passe en 1844. La prophétie des 2.300 ans s'était elle même avérée exacte; le calcul mathématique simple avait déjà montré qu'elle aurait son aboutissement en 1844. Leur erreur était plutôt dans la nature de l'événement qui devait arriver alors. Et ils firent cette erreur parce qu'à cette date de 1844, aucune âme sur la terre n'avait compris la signification du sanctuaire céleste.

William Miller, de qui venait l'impulsion du mouvement adventiste, étudia pendant plusieurs années les prophéties de Daniel. Peu de gens l'admettent aujourd'hui, mais Miller considéra effectivement la possibilité que le sanctuaire dont on parlait en Daniel 8:14 puisse être le sanctuaire du ciel. Cependant, il écarta ensuite cette idée, et cela vaut la peine d'employer un moment de notre temps pour comprendre comment il arriva à cette conclusion erronée, puisqu'il s'agit d'une erreur que nous pourrions aussi répéter sans le savoir. En effet, beaucoup de théologiens reconnus l'ont commise.

Miller s'embourba avec un syllogisme de base, et voilà comment cela se passa :

« Daniel 8:14 prédit la purification du sanctuaire. »

« Mais Dieu ne pèche pas, par conséquent rien au ciel ne pourrait jamais avoir besoin de purification. »

« C'est pourquoi, le sanctuaire de Daniel 8:14 ne pouvait pas être au ciel. »

En d'autres termes, la véritable erreur de William Miller n'avait pas consisté à établir un temps pour l'Avent. Pour spectaculaire qu'elle était, cette erreur était en effet seulement un symptôme de quelque chose de plus profond. Miller s'était trompé parce qu'il était arrivé à la conclusion que le sanctuaire céleste n'aurait jamais eu besoin de purification.

En faisant cette erreur, Miller s'était ainsi prédisposé à en faire une seconde. Si le sanctuaire décrit en Daniel 8:14 n'était pas au ciel, alors ce devrait être cette terre, ayant besoin d'être « purifiée » à la venue de Christ. Il s'agissait d'une erreur commune, professée à l'époque de Miller par beaucoup de Chrétiens. Il n'inventa pas l'erreur; tout simplement il omit de la corriger. Et cela pour la raison qu'il ne comprit pas le sanctuaire céleste.

Comme résultat, le 22 octobre 1844, plus de cent mille personnes s'attendirent à voir Jésus, et furent déçues. « Puis le sanctuaire sera purifié. » Pour rendre sa valeur au message adventiste, le peuple de Dieu aurait dû découvrir pourquoi le temple dans le ciel avait besoin d'être purifié. Et lorsqu'ils l'aurait découvert, ils auraient ouvert la porte à une des théologies les plus profondes de toute la foi chrétienne.

Le matin après le désappointement, peu d'Adventistes seulement restèrent fidèles. Parmi eux, il y avait un citoyen du nord de l'état de New-York qui s'appelait Hiram Edson, et habitait dans une petite ferme près du Canal Erie. Dans sa maison de campagne se réunissait un groupe de personnes désespérées par le désappointement, mais qui cherchaient à maintenir leur foi, et Edson même admit plus tard qu'il s'était trouvé face à la question : « Il n'y a donc pas de Dieu ? »

À cette heure de découragement, il restait une chose sur laquelle s'appuyer, c'était la prophétie biblique. On ne pouvait pas éliminer la prophétie des 2.300 ans, même après le désappointement. On ne peut pas se débarrasser de quelque chose qu'elle prédit aussi précisément, jusqu'à l'année exacte de la première venue de Jésus. Cela laissait seulement à Edson une option : si la prophétie était encore vraie, alors le désappointement de la veille devait être le résultat de leur propre erreur.

Mais où s'étaient-ils trompés ?

Au petit groupe qui s'était réuni avec lui, il offrit un conseil solide : pourquoi ne pas prier à ce propos, demandant au Seigneur de leur donner une meilleure compréhension ? Ils se retirèrent dans le grenier de sa grange vide : car dans l'attente de l'Avent, cette année-là, il n'avait pas engrangé sa récolte – et là, ils prièrent jusqu'à ce qu'ils sentent une conviction que la réponse à leur prière était en train d'arriver. C'était suffisant pour Edson. Comme il eut la conviction que la réponse viendrait, il suggéra d'aller visiter les familles adventistes voisines pour les encourager avec cette nouvelle.

Le 23 octobre 1844, il y avait un lieu où aucun Adventiste ne souhaitait se trouver, c'était une route publique. La campagne était pleine de gens qui se sentaient énormément soulagés de ne pas avoir vu le Seigneur qu'ils chantaient chaque dimanche, et on pouvait entendre leurs railleries chaque fois qu'un Adventiste était en vue. Peu d'Adventistes étaient disposés à soutenir ce feu de critiques et Edson ne faisait pas exception. Pour rester loin de la route, lui et un de ses amis commencèrent à marcher à travers champs, et là, au milieu du frémissement du feuillage séché du maïs d'automne, il sentit tout à coup son esprit attiré par un texte de Daniel.

L'Adventisme avait vu sa naissance avec Daniel 8:14. L'Adventisme du Septième jour était en train de naître avec le texte qui se présenta à l'esprit de Hiram Edson.

Au fil des années, les critiques de la théologie adventiste ont parfois raillé le fait qu'un champ de maïs fût une place appropriée à ce qui se passa. Considérons alors le texte et voyons s'il mérite effectivement le terme de « banal ».

« Je regardais, pendant que l'on plaçait des trônes, l'Ancien des jours s'assit. Son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête purs comme de la laine; son trône était comme des flammes de feu, et les roues comme un feu ardent. »

La scène décrite en Daniel 7:9, dévoile le cœur même du ciel. Elle décrit l'« Ancien des jours » c'est-à-dire Dieu le Père, assis sur un trône incandescent d'une lumière ardente. Autour de lui, il y a des myriades d'êtres resplendissants, inondés de la gloire du ciel. Jean le prophète décrit ici le lieu d'une solennelle et imposante assemblée, un parquet de cristal tellement vaste qu'il semble un océan, et qui lui aussi, brille comme du feu. Est-ce banal ? Pour employer à ce propos un terme de ce genre, il faut avoir de soi une opinion terriblement élevée.

Ce fut le texte qui resplendit dans l'esprit d'Edson, ce matin d'automne, juste à côté de la ville de Port Gibson, New-York. Il révélait Dieu le Père sur son trône, mais aussi quelque chose qui pourrait expliquer ce qui se passa le 22 octobre 1844. Il y avait quelque chose d'extraordinaire à propos de ce trône : Daniel 7:9 le décrit avec des roues de feu !

Pourquoi ?

Pourquoi le trône de Dieu aurait-il des roues ?

Au risque d'insister davantage sur ce qui est évident, il y a un seul motif pour mettre des roues sur quelque chose : c'est pour aller quelque part !

À ce point l'érudit biblique, plein de lui-même, pourrait nous dire avec un sourire condescendant qu'un tel langage est une métaphore biblique à ne pas prendre trop à la lettre. À cela l'étudiant laïc de la Bible pourrait répliquer : « Oh, est-ce vrai ? Alors, qu'est-ce donc que je ne devrais pas interpréter littéralement : Le Ciel ? Dieu ? Ou le trône de Dieu ? Ou précisément les roues sur son trône ? Qu'est-ce que je vais croire, et qu'est-ce que j'élimine comme étant une métaphore ? »

Pendant qu'il considère cette question, l'érudit devrait aborder un autre problème : le mot araméen pour roues qui est employé en Daniel 7:9 est galgal. Il signifie exactement ce qu'il semble signifier : des roues littérales ! (La version New King James, avec d'autres traductions modernes, ne dit même pas « his wheels », comme l'ancienne version King James, mais dit « its wheels », en rendant ainsi encore plus clair que les roues appartiennent au trône.)

La signification devient évidente : le ciel cherche à nous dire quelque chose, en termes humains tellement clairs que nous ne devrions pas mal les comprendre. Dans cette scène du livre de Daniel, Dieu le Père va quelque part.

Mais où ? Et pourquoi ?

Daniel 7:10 apporte la réponse. « Un fleuve de feu coulait et sortait de devant lui. Mille milliers le servaient, et des myriades se tenaient en sa présence. Les juges s'assirent, et les livres furent ouverts. »

Pour toute personne ayant étudié des systèmes législatifs comparés, cette mise en scène est évidente. Dans l'ancienne Angleterre, il y avait des hautes cours de justice qui ne siégeaient pas assises sur des chaises ou des bancs. Mais ils étaient assis sur de larges sacs remplis de laine, qui étaient disposés sur place avant que la cour ouvre ses travaux. Quelque chose de très semblable se passait dans l'ancienne jurisprudence des Hébreux : les 71 membres du Sanhédrin, lorsqu'ils agissaient comme cour de justice, s'asseyaient les jambes croisées sur de grands oreillers qui étaient « placés » pour eux en demi-cercle sur le parquet. Or Daniel voit des « trônes » de jugement qui sont « placés ». Dans la salle de justice arrivent les rapports. Des millions d'êtres saints, attendant de donner leur témoignage, sont présents en ordre régulier. Tout homme de loi qui n’a jamais traité des cas au tribunal reconnaîtra cette image avec évidence : il s'agit d'un tribunal qui se réunit en session. Le jugement est en train de commencer.

La conclusion est inévitable. Daniel 7:9, 10 – les textes qui s'imposèrent à l'esprit d'Hiram Edson le 23 octobre 1844 – décrivent la préparation pour le jugement.

Mais il y a quelque chose d'incomplet à propos de cette cour, et un avocat qui l'inspecterait, le remarquerait de suite. Il y manque quelqu'un.

Dieu le Père est là, resplendissant dans une lumière éclatante. Des anges innombrables sont prêts. D'autres officiers sont présents (l'Apocalypse décrit 24 anciens assis autour du trône de Dieu). On ouvre les registres. Mais il n'y a pas de juge !

Jean 5:22 éclaircit cela : « Le Père ne juge aucun homme, mais il a remis tout jugement au Fils. » Actes 17:31 dit qu'« il a fixé un jour où il va juger le monde selon la justice, par un homme qu'il a désigné », le même homme que Dieu a ressuscité « d'entre les morts ». Ce n'est pas le Père le juge dans ce jugement; c'est Jésus.

Mais en Daniel 7:10, Jésus n'est pas encore arrivé.

Il arrive, trois versets après, en Daniel 7:13 : « Je regardais pendant mes visions nocturnes, et voici que sur les nuées du ciel arriva comme un fils d'homme; il s'avança vers l'Ancien des jours, et on le fit approcher de Lui. »

Et on le fit approcher : Jésus était amené en la présence du Père, par un cortège d'anges qui l'escortaient. En termes clairs et irréfutables, Daniel décrit Jésus qui se déplace d'un côté du ciel à un autre – dans le but spécifique de commencer le jugement !

Ce fut la vérité qu'Edson commença à comprendre en ce jour d'automne dans le champ d'une ferme de la partie occidentale de l'État de New-York. Dans l'attente joyeuse (quoique dans l'erreur), les Millérites avaient pensé que Daniel 7:13 décrivait Jésus venant sur les nuées, sur cette terre. Tout à coup Edson se rendit compte de l'erreur.

Jésus était allé quelque part le 22 octobre, mais sa destination n'était pas cette terre; c'était un lieu très spécial dans le ciel. On peut s'imaginer comment Edson s'exclama : « Alors c'est là la raison pour laquelle Jésus n'est pas venu hier ! »

Tout cela concorde bien : Les livres ouverts contenant les actions des hommes. La présence des anges témoins. Dieu le Père, qui se déplace avec une splendeur royale dans la vaste salle du jugement du ciel. Le Fils, escorté par un nuage d'êtres angéliques, qui entre pour s'asseoir comme Juge. Quelque chose était en train de se passer là, en réminiscence d'un événement en Israël.

« C'est ici pour vous une prescription perpétuelle; au septième mois, le 10 du mois; vous humilierez vos âmes, vous ne ferez aucun ouvrage... Car en ce jour on fera l'expiation pour vous, afin de vous purifier : vous serez purifiés de tous vos péchés devant l'Éternel. »

Une fois par an, en accord avec Lévitique 16:29, le souverain sacrificateur d'Israël entrait dans le saint des saints pour un service spécial, pour purifier le sanctuaire de Dieu des péchés confessés et pardonnés – péchés qui étaient transférés par la foi sur l'Agneau de Dieu. En bref, comme nous le verrons, les péchés s'étaient accumulés dans le sanctuaire parce que Dieu lui-même, dans la personne du Messie, portait nos péchés. Pour Israël, le Jour des Expiations était une illustration éclatante d'un fait auquel les Chrétiens pensent rarement : le péché ne disparaît pas magiquement au moment du pardon; ses conséquences continuent, et Quelqu'un doit en porter le poids – Quelqu'un, avec un « Q » majuscule, puisque ce Quelqu'un est Jésus.

Pour cette raison, le Jour des Expiations était un événement solennel en Israël. Il révélait que le péché n'est pas quelque chose d'accidentel, toléré sans difficulté puisque le pardon est à disposition. Tout péché blesse. Il blesse la personne offensée, et il blesse à nouveau lorsqu'un petit animal aux yeux ouverts meurt dans les mains d'un prêtre pour illustrer qu'il y a un Sauveur à venir. Et il blesse surtout dans le lieu appelé Calvaire, où le Fils de Dieu a amené le péché humain jusqu'aux portes de l'enfer. Tout cela était mis bien en évidence dans le Jour des Expiations, et par conséquent ce jour était un moment d'intense auto-examen, de recherche, d'investigation de leur propre cœur pour voir si tout était juste dans les rapports avec Dieu. Tous ceux qui manquaient de le faire étaient bannis d'Israël.

Ainsi le Jour des Expiations était plus qu'un temps de purification; il était aussi un jour de jugement. Pour ceux qui désiraient être purifiés, il offrait cette possibilité. Les péchés d'Israël étaient symboliquement enlevés du sanctuaire et placés sur la tête d'un bouc qui représentait Satan – une claire illustration qu'à la fin des temps, Satan lui-même devra emmener à la destruction éternelle les péchés pardonnés de tous les rachetés. Des critiques des Adventistes ont parfois soutenu que cela faisait des Adventistes des disciples du diable, car nous faisons de Satan notre « Sauveur ». La réponse est aisée. Votre Sauveur est celui à qui vous remettez vos péchés. Vous les donnez à Jésus. Ce qu'il fait ensuite avec eux est son travail et non le vôtre. Mais ceux qui avaient omis de participer à la repentance et à l'auto-examen étaient bannis d'Israël. Ils avaient choisi de garder leurs péchés quand ils auraient pu être purifiés, et maintenant ils étaient séparés du peuple de Dieu.

Jugement. L'illustration n'aurait pu être plus claire, et l'ange qui visita Daniel n'aurait pas pu la rendre d'une façon plus évidente : « Puis le sanctuaire sera rétabli ». Le Jour des Expiations en Israël illustrait quelque chose d'important. À la fin des 2.300 ans, Jésus fait ce que le Souverain Sacrificateur d'Israël avait fait symboliquement pendant si longtemps. Il est entré dans le saint des saints pour un dernier acte de réconciliation, pour purifier les annales de tous ceux qui ont fait un honnête examen de leurs propres péchés. Le Ciel mettra son sceau sur les réchappés. Et ceux qui ont choisi de garder leurs péchés seront séparés pour toujours du peuple de Dieu.

C'est le Jour des Expiations. Dans le ciel, c'est aussi le jugement. Et Jésus sert de Juge.

Cette vérité qui, dans les mois suivants, a été systématiquement découverte par les fondateurs de l'Adventisme du Septième jour est confirmée de façon enthousiaste par Ellen G. White. Comme le grand conflit approche de la fin, ainsi le sanctuaire de Dieu doit être purifié des péchés accumulés, portés par Jésus pour les rachetés.

Cette connaissance, peut-être plus que toutes les autres, a provoqué la réaction irritée des critiques extérieurs (et parfois intérieurs) à l'Adventisme, et par conséquent, il est nécessaire de répondre à cette question : pourquoi, dans le ciel sans péché y aurait-il quelque chose qui doit être purifié ?

Le sanctuaire céleste a-t-il besoin d'être purifié ? Quelquefois, la meilleure façon de répondre à une question c'est d'en poser une autre. Pour savoir si la purification est biblique et logique, la question à poser est la suivante : Qu'advient-il du péché quand il est pardonné ?

Posez la question à n'importe quel Chrétien, et selon toute probabilité vous obtiendrez quelque variante de la réponse suivante :

« Il est parti; il disparaît. Au moment du pardon, il n'existe plus ».

Mais est-ce réellement si simple ?

Une fois, j'ai représenté un client qui, la plupart du temps, était un citoyen modèle, le genre d'homme que vous aimeriez avoir comme voisin. Mais une nuit, je reçus un appel téléphonique dans lequel il me disait se trouver dans la plus profonde affliction de sa vie. Après avoir traîné trop longtemps dans un bar local, il avait fait l'erreur de conduire sa voiture jusque chez lui. En cours de route, il avait traversé la ligne blanche et avait heurté en face une autre voiture. C'était déjà désastreux, mais ce qui est pire c'est qu'à bord de l'autre voiture, il y eut un décès.

En d'autres termes, ce n'était pas une violation ordinaire de l'article 23102(a) du Code Routier de Californie. C'était plus que conduire en état d'ivresse; il s'agissait de l'homicide d'un homme au moyen d'un véhicule. Si vous êtes jugé par un jury assez sévère, il pourrait décider qu'il s'agissait d'homicide au second degré.

Maintenant, permettez que je vous pose la question qui nous aidera à comprendre ce qui arrive au péché pardonné. Supposons que mon client se réveille dans son lit d'hôpital de la prison où il est gardé; il se rend compte de ce qu'il a fait, et il prononce les paroles qu'on dit souvent quand on a fait une erreur catastrophique : « Oh, Dieu, je suis très désolé ». Supposons qu'il soit sincère dans sa déclaration. Supposons qu'il demande le salut au nom de Jésus. Mon client, peut-il être pardonné ?

Bien sûr que oui ! Si cet homme ne peut pas se repentir et être sauvé, alors le Calvaire n'est pas un lieu aussi grand que je le pensais.

Mais au moment du pardon, est-ce que son péché disparaît magiquement ? Quelque part en Californie du Sud, ce matin on organise des funérailles; une mère doit expliquer à ses enfants pourquoi papa ne reviendra plus jamais à la maison. Le pardon de mon client signifie-t-il que les funérailles ne doivent pas avoir lieu ?

Dans le monde réel, là où vivent les gens, le péché ne disparaît pas si facilement, même quand il a été pardonné. Ses conséquences continuent. Parfois pendant des siècles ou des millénaires.

Au matin de l'histoire de l'humanité, Abraham fit une erreur classique, du genre que nous sommes souvent tentés de répéter : il décida que Dieu ne pouvait pas tenir sa promesse sans une petite aide humaine. Et alors, sur l'instigation de Sara, il prit la responsabilité de pourvoir lui-même au fils que Dieu lui avait promis. Bientôt il allait comprendre qu'il avait commis une erreur tragique. De suite, cela amena la discorde dans sa famille. Bientôt cela lui provoqua une douleur fulgurante, car il dut envoyer le fils qu'il aimait dans un désert qui ne pardonne pas. Abraham était sans doute désolé mais la souffrance se prolongea.

Et elle se prolonge, en effet, jusqu'au seuil de la Seconde Venue quand, dans la dernière partie du vingtième siècle les fils d'Abraham s'entretuèrent dans une guerre au Moyen Orient.

Le péché ne disparaît pas tout simplement, même quand il a été pardonné. Chaque fois que nous offensons la vie d'autrui nous mettons en mouvement un train de circonstances sur lesquelles souvent nous perdons le contrôle, et les circonstances peuvent durer toujours. Cela signifie que ce sera seulement à la fin des temps que vous serez peut-être capable de reconnaître tous les effets d'une mauvaise action.

Ce qui, à son tour, signifie que le jugement ne peut avoir lieu qu'à la fin des temps. Pour pouvoir tenir compte des derniers effets du péché, le jugement doit être le dernier événement immédiatement avant la clôture de l'épreuve et la venue de Jésus.

Tout cela explique clairement pourquoi l'humanité a besoin d'un Sauveur. Le péché ne s'évapore pas pour le seul motif que nous le regrettons car notre « pardon » devient effectif seulement si Quelqu'un d'autre en a pris la charge. Quelqu'un doit supporter son poids jusqu'à la fin des temps. Et cela c'était la leçon de chaque jour de la cour extérieure du sanctuaire.

Si en Israël quelqu'un péchait, il amenait un animal à l'entrée de la cour du sanctuaire. Là, il devait personnellement l'égorger en sacrifice. À ce moment-là, le sacrificateur aspergeait le sang à l'intérieur du tabernacle. Le péché pardonné symboliquement était déposé en présence de Dieu. Le péché ne disparaissait pas : il était porté par Dieu lui-même !

C'est ce qui se passa au Calvaire. Là, le péché ne disparut pas magiquement; il fut porté par l'Agneau de Dieu. En 1 Pierre 2:24, l'apôtre explique que Jésus portait les péchés pour nous : « Lui qui a porté nos péchés en son corps sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions ».

« A porté nos péchés ». Il ne les oblitéra pas au Calvaire; il les porta, et le langage que Pierre choisit est significatif. En décrivant ce que Jésus faisait avec nos péchés, il aurait pu employer le mot grec appolumi, qui signifie « détruire ».

Il ne choisit pas ce terme mais le mot grec anapheroo, qui signifie « porter ». Le concept qui nous vient du sanctuaire est clair. Le péché doit être porté par Quelqu'un; nous avons besoin d'un Porteur de péché. C'est ainsi que le sanctuaire de Dieu est souillé par le péché.

Le sanctuaire hébreu illustrait cela avec une évidente clarté. Une fois par an, le peuple juif voyait et mettait en pratique la méthode à travers laquelle Dieu finalement libérera l'univers de la charge des péchés accumulés. Pareil à l'ancien sanctuaire juif, le sanctuaire céleste doit être purifié. Et Daniel 8:14 non seulement prédit cela, mais il prédit aussi le jour exact où la purification commence.

Tout ce que Dieu fait apparaît sur un grand panorama cosmique. Quand Israël quitta l'Égypte, il le fit exactement le jour qui avait été prédit 400 ans auparavant ! (Exode 12:41) Quand Jésus commença à prêcher, il annonça que « Le temps est accompli. » (Marc 1:15) Quand il mourut, cela arriva exactement le jour prédit par le symbolisme du sanctuaire. Et Actes 17:31 déclare que la même chose arrivera avec le jugement :

« Parce qu'il a fixé un jour où il va juger le monde selon la justice, par un homme qu'il a désigné... ». Le jugement a commencé un jour spécifique, prédit par la prophétie. Pour proclamer cet événement, il devait y avoir un peuple qui l'aurait annoncé à tout le monde : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue... » (Apocalypse 14:7) Et en donnant ce message, ce peuple annoncerait les meilleures nouvelles possibles concernant l'Évangile. Le jugement qui commença en 1844 n'était pas destiné à condamner les perdus; cela arriverait plus tard, pendant les mille ans. Ce jugement était destiné à justifier les rachetés. Je suis redevable au Docteur Mervyn Maxwell pour cette phrase et ce concept. Cela est spécifié dans son ouvrage « Magnificent Disappointment », un des meilleurs livres sur 1844, le sanctuaire et le jugement que je n’ai jamais vus. Il est facile à lire et clair et devrait être lu par tout Adventiste. Il démontre aussi que le jugement investigatif est là aussi pour justifier Dieu qui, un jour, permettra à des pécheurs pardonnés d’entrer dans le Ciel.

Et dans ce jugement, Jésus n'est pas seulement le Juge, il est l'Avocat, le Défenseur pour ceux qui acceptent le salut. Comme nous le verrons, lorsqu'il examine un cas, il le fait si magnifiquement que les péchés du racheté disparaissent non seulement des registres du ciel mais aussi de la mémoire !

« Mes petits enfants » écrivit Jean en 1 Jean 2:1 « Je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez pas. Et si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. »

Un avocat. Il défend personnellement notre cas.

Mais Actes 17:31 démontre qu'il est aussi le Juge ! En d'autres termes, dans ce jugement notre Juge est aussi notre avocat défenseur !

Il n'y a rien de ce genre dans le droit moderne. Nous avons des juges et nous avons des avocats défenseurs, mais jamais une même personne ne peut remplir dans les deux fonctions en même temps. Et pourtant dans le jugement qui commença en 1844, le cas de chaque personne sera jugé par le même Être qui le défendra.

Cela nous conduit à quelques-unes parmi les meilleures nouvelles de l'Évangile. Quand Jésus défend quelqu'un lors du jugement final, il le fait avec une telle habileté que le souvenir des méfaits de la personne disparaît aussi de la mémoire de celle-ci !

À travers l'histoire, le pardon a toujours eu un aspect aigre-doux. Nous pouvons avoir toute confiance que Dieu nous a pardonnés, mais nous vivons encore avec le souvenir de nos erreurs. Pierre, rendu aveugle par une tentation qu'il n'attendait pas, un certain vendredi soir vit l'air s'assombrir – alors que le petit matin lui était apparu favorable – lorsqu'il maudit son Seigneur. Bien que pardonné, il porta jusqu'à sa mort le regret brûlant d'avoir failli quand son Seigneur avait eu expressément besoin de lui.

Une telle expérience est commune à toute la race humaine. Nous tous avons des souvenirs que nous voudrions désespérément effacer, même après qu'ils ont été pardonnés. Et ici, l'Adventisme nous offre des bonnes nouvelles extraordinaires qui viennent directement de la doctrine du jugement investigatif. Quand le jugement des rachetés est terminé, leurs erreurs sont effacées non seulement des registres du ciel, mais aussi de l'esprit. Ils disparaissent de la mémoire.

Cela peut paraître trop beau pour être vrai, mais c'est entièrement Biblique. En Hébreux 10:16 et 17, Dieu promet que « Je mettrai mes lois dans leur cœur, et je les écrirai dans leur intelligence. » « Et je ne me souviendrai plus de leurs péchés ni de leurs iniquités ». Cette promesse reparaît encore en Hébreux 8 et en Jérémie 31; et en Ésaïe 43:25, Dieu nous assure : « C'est moi, moi qui efface tes crimes pour l'amour de moi, et je ne me souviendrai plus de tes péchés. » La mémoire de nos péchés disparaît aussi de l'esprit de Dieu. Si Dieu ne se souvient plus de nos péchés, il est logique que nous ne nous en souvenions pas non plus.

Dans La Tragédie des Siècles, page 620, Mme White décrit un temps où, bien que les saints « aient un sens profond de leur indignité, ils n'ont pas à révéler des erreurs cachées. Leurs péchés sont allés au préalable au jugement et ils ont été effacés, et ils ne peuvent pas les ramener à la mémoire ». Dans un premier livre, elle l'exprime dans un langage recherché, mais qui nous l'assure encore de façon puissante : « Leurs péchés sont allés préalablement au jugement, et le pardon a été inscrit. Leurs péchés ont été portés loin dans la terre de l'oubli... »

L'Adventisme est parfois accusé de dérober au peuple sa pleine assurance du salut. Si cette déclaration de Mme White n'est pas remplie jusqu'au bord d'une pleine assurance, il serait difficile d'imaginer autre chose qui le serait. Mais il y a bien plus que cela ! Jusqu'ici, le sanctuaire a donné des bonnes nouvelles pour le croyant. Maintenant il s'étend, pour en donner aussi à ceux avec qui le croyant vit.

Le Jugement Investigatif ne purifie pas simplement les registres du ciel; il purifie aussi la vie. Et pour ceux avec lesquels nous vivons, cela peut représenter une meilleure nouvelle.

Un des thèmes qui courent au long de la Bible, c'est la victoire sur le péché – non dans un ciel très éloigné, mais ici et tout de suite, pendant que d'autres êtres humains peuvent en bénéficier. Ce serait, après tout, un « Évangile » plutôt égoïste, celui qui offrirait un pardon sans victoire, et appelle cela « bonnes nouvelles ». Si quelqu'un se débarrasse seulement de la culpabilité, sans se libérer du péché, cela peut être pour lui une bonne nouvelle. Mais ce serait difficilement une bonne nouvelle pour sa femme (qui, après tout, doit vivre avec lui). Probablement ce ne serait pas une bonne nouvelle pour ses voisins ni peut-être pour son chien.

Et la fonction du jugement investigatif est d'effacer le péché non seulement des registres du ciel, mais aussi de la vie !

« Après ces jours là, – Oracle de l'Éternel : Je mettrai ma loi au-dedans d'eux, je l'écrirai sur leurs cœurs. » Mais après cette promesse de victoire dans la vie, Dieu continue, en Jérémie 31:34, à dire : « Je ne me souviendrai plus de leur péché ». Le même enchaînement nous le trouvons en Hébreux 8 et 10. Quand les péchés sont effacés dans le jugement, ils sont effacés aussi de la vie.

Ce concept, qui nous vient de la doctrine du sanctuaire, est parfaitement sensé du point de vue légal. Dans les cours terrestres aussi, la preuve la plus convaincante est ce que la personne fait, et non ce qu'elle dit. Ainsi dans le jugement au ciel, la vie de quelqu'un est la meilleure preuve qu'il a réellement accepté le salut. « Voici : je viens bientôt », Jésus dit en Apocalypse 22:12, « et j'apporte avec moi ma rétribution pour rendre à chacun selon son œuvre. »

Pour cette raison, les Adventistes concluent que la vérité du sanctuaire imposait aux croyants un modèle de conduite très élevé. En effet, ils ne pouvaient plus s'engager dans certaines choses communes à bien des gens chrétiens. Une conduite qui pouvait être acceptable dans d'autres temps n'était tout simplement plus appropriée au Jour des Expiations. Les Adventistes appliquaient cette conviction de plusieurs façons pratiques, parmi lesquelles il suffit de citer un exemple : ils adoptaient un modèle très conservateur à propos de leur habillement.

S'habiller simplement et modestement pendant les temps de besoin pressant de spiritualité, c'est un concept très scripturaire. À travers toute l'histoire biblique, le peuple de Dieu a eu l'habitude de quitter ses ornements lorsqu'il sentait un profond besoin spirituel. Quand Jacob revint au pays pour faire face à son frère en colère, il instruit sa maison de « Ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, purifiez-vous et changez de vêtements... » (Genèse 35:2-4)

Ce n'était pas une nécessité accidentelle. Tout ce qu'il savait c'était que son frère irrité aurait résolu le problème de l'héritage familial en lui ôtant la vie. C'était la vie ou la mort, et cela le conduisit, cette nuit-là, à une rencontre que la Bible plus tard a comparé à l'angoisse du peuple de Dieu immédiatement avant la Seconde Venue : le « temps d'angoisse de Jacob » – un temps de terrible danger et d'intercession sérieuse, caractérisée par une foi si intense qu'elle ne se déclarait pas vaincue, même quand l'homme se rendait compte qu'il luttait avec Dieu. Immédiatement avant de faire face à ce défi, Jacob prit une dernière mesure pour s'assurer que lui et sa famille ne neutraliseraient pas l'aide du ciel en entretenant l'orgueil. « Purifiez-vous et changez de vêtements. »

Il est évident que sa maison connaissait exactement ce que cela signifiait. Ils donnèrent à Jacob tous les dieux étrangers qui étaient entre leurs mains ainsi que leurs boucles d oreilles. Jacob les enfouit sous le térébinthe qui est près de Sichem.

Avant le temps de détresse de Jacob, lui et sa famille pratiquaient la réforme de l'habillement !

Quelque chose de très semblable arriva en bas du Sinaï. « L'Éternel dit à Moïse : Dis aux Israélites : Vous êtes un peuple au cou raide; si je montais un seul instant au milieu de toi, je t'exterminerais. »

« Débarrasse-toi maintenant de tes ornements, et je verrai ce que je vais te faire. »

« Les Israélites se dépouillèrent de leurs ornements, (à distance) du mont Horeb ». (Exode 33:5)

La leçon était très claire : quand vous avez désobéi au Seigneur, cela ne sert de rien d'attirer l'attention sur vous-même.

Pendant la plus grande partie de l'histoire humaine, le peuple de Dieu a porté des bijoux. Mais ceux qui étaient plus proches du Seigneur se rendaient compte à quel point la glorification de soi était néfaste. Pierre, qui avait une bonne raison de connaître combien nous méritons peu de nous louer nous-mêmes, l'exprima avec bienveillance, mais avec fermeté : « N'ayez pas pour parure ce qui est extérieur : cheveux tressés, ornements d'or, manteaux élégants », « mais la parure cachée du cœur, la parure personnelle inaltérable d'un esprit doux et paisible; voilà qui est d'un grand prix devant Dieu. » (1 Pierre 3:3-4; Apocalypse 14:7)

Bref, il n'y a rien de mauvais dans l'admiration des pierres magnifiques et des métaux que Dieu a créés; au ciel, après tout, les rachetés auront des couronnes. Mais il y a une différence : au ciel, les couronnes ne nous seront pas données par nous-mêmes; elles seront données par Jésus. Et lorsque les rachetés penseront à ce que tout cela a coûté, les couronnes seront ôtées et jetées aux pieds du Sauveur.

Ainsi à travers toute l'histoire, le peuple de Dieu s'est habillé simplement et modestement chaque fois qu'il devait demander de grandes choses au ciel; et maintenant un groupe de gens – tellement peu qu'ils auraient pu se compter sur les doigts de la main, se préparait à donner le plus puissant message qu'on ait jamais délivré : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue. » (Apocalypse 14:7) Rien de surprenant s'ils ôtèrent leurs bijoux.

Inévitablement, leurs convictions influençaient aussi d'autres secteurs de la vie : gestion de l'argent; soin de sa propre santé; diététique; les divertissements aussi – ces derniers peuvent, après tout, apparaître comme n'étant pas particuliers. À une époque où le comble de l'indécence consistait dans un rapide coup d'œil sur une soubrette émancipée, les premiers Adventistes insistaient sur un mode supérieur de divertissement pour ceux qui s'attendaient de voir le visage de Dieu.

On se sent autorisé à se demander combien plus noble encore devrait être aujourd'hui leur préoccupation.

Y avait-il un sanctuaire, ou n'y en avait-il pas ? Ellen White pensait aussi certainement, rejoignant Paul et Jean le visionnaire : « Comme le sanctuaire de la terre avait deux appartements, le lieu saint et le lieu très-saint, ainsi il y avait deux lieux dans le sanctuaire céleste... Dans ses saintes visions, Jean eut la permission d'entrer dans le ciel et là, il vit le chandelier et l'autel des parfums, et « quand le temple dans le ciel fut ouvert », il vit aussi l'arche de son alliance... Paul déclare que cela était le vrai sanctuaire qui était dans le ciel. Jean atteste qu'il l'a vu dans le ciel. »

Et cela était-il important ?

A. F. Ballenger avait soulevé des arguments qui, pour bien des membres assidus de l'Église, pouvaient ne pas apparaître si importants qu'ils méritent une discussion, et moins encore une crise. Lieu saint, Lieu très-saint – qui se préoccupe de savoir où Christ est allé dans l'an de grâce 31 ? Mais alors, pourquoi tout ce bruit à propos de 1844 ? Ce qui est important est qu'il soit au ciel – n'est-ce pas ?

L'endroit où il se trouve est-il important ?

Il est préférable de se souvenir que le sanctuaire ne fut pas inventé par Hiram Edson, ou Ellen Harmon, ou O. R. L. Crosier. Il n'a pas même été inventé par Moïse. Il a été révélé à Moïse par Dieu même. Pendant qu'il donnait sa loi, Dieu devait expliquer d'une certaine manière, aux humains intelligents mais obnubilés, une chose si complexe qu'elle avait confondu aussi les esprits des anges qui n'étaient pas tombés. Le péché était, par définition biblique, un « mystère » mais afin que l'humanité puisse faire un choix intelligent, il fallait qu'elle comprenne ce que le péché était réellement et comment Dieu finalement allait stopper cette horrible force destructrice. En d'autres termes, les hommes devaient posséder une connaissance opérationnelle d'une chose qui constituait le problème le plus complexe de tout l'univers.

Souvent on peut rendre intelligibles les événements plus complexes si on les explique par un diagramme. Dans la cour de justice, un simple croquis peut souvent éclaircir des arguments complexes à 12 jurés assoupis (et parfois à un juge assoupi). Les professeurs, par routine, mettent en diagramme n'importe quoi, de la mitose cellulaire à l'économie du Kenya. Un dessin vaut en effet plus que mille paroles, et sur le Sinaï, Dieu recourut à un diagramme pour expliquer comment il avait résolu le mystère compliqué du péché.

Comme symbole, il choisit quelque chose que virtuellement n'importe qui sur la terre pouvait rapidement comprendre : un bâtiment, avec deux chambres et une cour autour. Ici, avec seulement quelques pièces d'ameublement, il amenait le symbolisme à une profondeur à laquelle aucun esprit humain n'avait jamais rêvé auparavant. Il allait montrer ce qui arrive au péché confessé et pardonné. Il allait vivement démontrer que le péché est résistant d'une façon remarquable, et illustrer pourquoi, même pour les hommes qui ont vécu il y a très longtemps, le jugement doit survenir près de la fin de l'histoire humaine, quand on peut voir les effets derniers du péché.

Arrivé à ce point là, le lecteur attentif aura compris la conclusion à laquelle nous sommes en train d'arriver : si le péché et le salut sont des mystères réellement incompréhensibles pour l'esprit humain; si le sanctuaire est le moyen choisi par Dieu pour illustrer ces mystères de telle façon que nous puissions les comprendre, alors il est certainement essentiel de prendre l'illustration exactement comme il la donna – sans embellissement humain, et sans rien concéder à l'égocentrique nécessité de « réinterpréter » la vérité révélée de Dieu : en d'autres termes, d'ensevelir notre orgueil et accepter l'illustration du sanctuaire de la manière exacte dont Dieu l'a représentée. Parvis. Lieu saint. Lieu très-saint. Et oui, aussi Daniel 8:14 et 1844.

Mais Albinos Fox Ballenger, un pasteur adventiste éminent ne pouvait plus voir tout cela. Le remous que provoqua Ballenger nous rappelle quelque chose qui s'est passé au temps de la contre Réforme. Daniel 8:9 fait référence à une « petite corne », pouvoir qui « s'exalta lui-même jusqu'au chef de l'armée » et qui « jeta par terre le sanctuaire de Dieu ». Les théologiens de la Réforme comprirent bien que ce n'était pas là une puissance païenne. Il s'agissait d'une apostasie à l'intérieur de la chrétienté et ils l'identifièrent carrément comme étant la papauté. Cependant deux théoriciens Jésuites neutralisèrent habilement cet enjeu dans l'esprit de beaucoup de Protestants en présentant deux interprétations au choix : l'une d'elles dit que Daniel 8:10 a été accomplie par un petit dictateur, appelé Antiochus Epiphane qui, pendant un court laps de temps, avait profané le temple Juif. L'autre présentait la solution opposée; l'apostasie annoncée par Daniel était reléguée dans un futur lointain, disaient-ils et cela n'était pas encore arrivé. Faites votre choix : l'une et l'autre de ces théories détournent de manière appropriée le texte de Daniel 8 de son message réel. Et, merveille des merveilles, beaucoup de chrétiens saisirent l'une ou l'autre de ces deux idées comme une proie ! En 1905, une alternative tout aussi fantaisiste concernant la vérité du sanctuaire fut présentée par Ballenger et l'effet de cette erreur coïncide étrangement avec celle des Jésuites de la Contre Réforme 350 ans auparavant. Cette erreur jetait l'obscurité sur la vérité du sanctuaire et aidait ainsi à masquer le fait que la petite corne vue par Daniel était en réalité une apostasie à l'intérieur de la chrétienté. Il avait laissé l'Église à travers toute l'Angleterre divisée et confuse, en soulevant des questions critiques sur le message du sanctuaire, et maintenant les frères se demandaient que faire avec lui.

Ellen White, quant à elle, n'avait aucun doute à ce sujet. Vers la mi-mai 1905, pendant qu'elle assistait à la session de la Conférence Générale à Takoma Park, elle eut la chance de voir Ballenger, alors qu'elle avait un message direct à lui délivrer : « Vous êtes celui que le Seigneur présenta devant moi à Salamanca », déclara-t-elle. « Vos théories qui contiennent une multitude de subtiles ramifications et qui ont besoin de tant d'explications ne sont pas la vérité et n'ont pas à être apportées au troupeau de Dieu... »

« Restons tous accrochés à la vérité bien établie du sanctuaire. »

La réponse de Ballenger consista en une rencontre avec vingt-cinq dirigeants dont il sortit un document qu'il appela : « The Nine Theses ». Il déclara ceci : « Les croyances adventistes concernant le sanctuaire sont fausses en chaque point » et il argumentait particulièrement contre le fait que Christ, après son ascension, avait exercé son ministère dans le premier appartement. Si l'on suivait le raisonnement de Ballenger, la prophétie des 2.300 jours s'écroulait ainsi que le message de 1844, le jugement investigatif devenait soudain une source d'embarras théologique à oublier au plus tôt. Comme A. J. Daniells l'avait prévu justement, « tout s'écroulait »; et personne ne vit cela plus clairement qu'Ellen White.

« Ce message, s'il était accepté, saperait les piliers de notre foi », dit-elle quelques jours après. « Ceux qui essaient d'apporter des théories qui enlèveraient les piliers de notre foi concernant le sanctuaire... travaillent comme des hommes aveugles. Ils cherchent à apporter des incertitudes et à conduire le peuple de Dieu à la dérive, sans une ancre...

« Arrêtez tout cela tout de suite, car Dieu ne vous a pas donné ce message à apporter au peuple. »

Il y a quelque chose de bizarre dans ce témoignage à Ballenger. Remarquez son choix des mots. Elle dit clairement que ceux qui avaient apporté la confusion à propos du sanctuaire « cherchent à apporter des incertitudes » qui « conduiraient le peuple de Dieu à la dérive ». C'est une chose de devenir confus et de diffuser par inadvertance sa propre confusion. Mais chercher à introduire des incertitudes, c'est une toute autre question. Cela est intentionnel. Si quelqu'un cherche à conduire le peuple de Dieu à la dérive, il sait ce qu'il est en train de faire. Pourquoi ?

Pourquoi une personne devrait-elle faire cela ?

Et pourquoi choisir la route qui pourrait détruire l'Adventisme avec le plus d'efficacité ?

Ballenger écrivit pour lui-même une histoire de sa vie de façon pathétique. Brillant, doué, prédicateur recherché pour les camp-meetings, il passait pour un champion pour le mouvement adventiste. L'esprit de Dieu lui avait parlé personnellement, dans des circonstances tellement surnaturelles que cela l'émouvait jusqu'aux larmes. Mais Ballenger avait joué avec le doute, semblable à une personne qui voudrait poursuivre un arc-en-ciel, et un jour il joua davantage.

L'arc-en-ciel existait seulement dans son propre esprit, et il le poursuivit comme un homme aveugle.

Il avait une puissante maîtrise tant des paroles que des émotions; il comprenait clairement que le peuple soutiendrait instinctivement la cause des « chiens écrasés » (les opprimés) parfois même en présence de la vérité bien établie, et lorsqu'il quitta l'Adventisme il joua bien le rôle de martyr, en écrivant un livre ayant pour titre : « Cast Out for the Cross of Christ » (Rejeté à cause de la croix de Christ). Ce qui est intéressant c'est que Kellogg avait employé presque la même technique. Après avoir entraîné le sanatorium de Battle Creek hors de l'Église, il parlait encore avec persuasion, « tombant sur sa face et pleurant » sur les injustices supposées qui lui furent affligées par A.G. Daniells et Willie White. Canright aussi avait affecté une allure de martyr lorsqu'il avait délaissé la foi adventiste.

Les hommes qui quittèrent l'Église, pour cette raison, répétaient généralement la même attitude. Ils promettaient solennellement de ne causer aucun trouble à l'Église, mais ils commençaient, sitôt après leur départ, une attaque intense contre l'Adventisme. Canright écrivit un livre à ce propos; Ballenger fit de même, et de Riverside en Californie, son frère et lui publièrent de la propagande anti-adventiste dans un journal titré « The Gathering Call ». « Le pasteur Ballenger a mystifié les esprits par son grand déploiement de textes » notait Ellen White dans son journal de 1905. « Ces textes sont justes mais il les a placés là où il ne le fallait pas. Nous avons déjà rencontré plusieurs hommes qui sont venus avec de telles interprétations... troublant les esprits de beaucoup par leur facilité d'élocution et leur grand déploiement de textes, lesquels sont mal appliqués, pour s'adapter à leurs propres idées. Il est trop tard dans l'histoire de ce monde pour mettre sur pied quelque chose de nouveau. »

Étrangement cependant, certains l'écoutaient. C'était inexplicable. Des gens qui avaient joui de la plus grande lumière religieuse de toute l'histoire étaient maintenant mis en péril par des erreurs qui les avaient pris au piège sans qu'ils s'en aperçoivent. Pendant près de deux mille ans, les chrétiens avaient proclamé l'avertissement biblique concernant les séductions si subtiles qu'elles pouvaient tromper même les élus. Génération après génération de croyants, ils avaient cru, comme l'apôtre Pierre, que cela ne pouvait arriver qu'aux autres mais pas à eux. Maintenant, c'était pourtant le cas. Ellen White donna libre cours à des termes décrivant une grande apostasie : « Beaucoup d'étoiles que nous avons admirées pour leur éclat iront alors dans les ténèbres. La balle sera emportée par le vent, même dans des endroits où nous ne voyons aujourd'hui qu'un champ de blé fertile. »

« Quelle sera la fin de tout cela ? » s'écriait-elle le 30 octobre 1905. « Encore et encore, j'ai posé cette question et j'ai toujours reçu la même réponse : ne jamais laisser une âme non avertie. »

Ne jamais laisser une âme non avertie. Au milieu des plus grands défis qu'on lui adressait, l'Église se devait de contre-attaquer, ne manquant jamais une occasion de transmettre la vérité. Car maintenant la guerre était implacable. L'œuvre de Dieu avait été mise au défi par quelque chose qu'Ellen White appela l'« alpha des mortelles hérésies. Et elle ajouta une réflexion après coup pour l'avenir : une autre apostasie viendrait qui serait plus perfide encore pour l'œuvre de Dieu.

L'« alpha » était venu. L'oméga viendrait sûrement. Et Ellen White « tremblait pour notre peuple ».