Oméga II

Chapitre 4

Parents, gardez vos enfants loin de Battle Creek

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Un jour de juin 1904, Ellen White se trouvait à Nashville, au Tennessee. C'était une période de l'année agréable, lors de la première floraison du début d'été, avec le doux parfum des fleurs sauvages qui s'étendait sur la rivière Cumberland. Dans des temps meilleurs, elle aurait pu prendre une pause pour en jouir. Elle aimait la vie et elle aimait la nature, et dans les dernières années, elle essayait chaque jour de réserver un moment pour une promenade dans son petit verger; mais ce jour-là, à Nashville quelque chose d'autre pesait sur son esprit. Elle avait reçu la nouvelle que les gens de Kellogg avaient réouvert l'institut (l'école) de Battle Creek; cela signalait un danger qu'elle reconnut immédiatement : ceux qui soutenaient la nouvelle théologie avaient décidé de s'intéresser à la jeunesse de l'Église.

Pour tous ceux qui veulent introduire des bouleversements, la jeunesse a toujours été une cible attrayante. Le jeune esprit est encore à la recherche de son identité et désire essayer de nouvelles idées, et dans des situations déterminées, comme dans des salles de classe (où, après tout, le rang d'une personne est en jeu), il peut être soumis à une pression persuasive – surtout si l'instructeur a du charisme. Ainsi toute révolution comprend typiquement une stratégie qui vise la jeunesse. Gagnez la confiance des jeunes, et tôt ou tard l'ancienne opposition finira par disparaître. Vous pouvez espérer atteindre votre but si vous comptez fortement sur une nouvelle génération.

Ellen White était bien convaincue du pouvoir de la jeunesse. Elle avait tous les motifs de le connaître; après tout, c'était un groupe d'adolescents et de jeunes adultes qui avait donné à l'Adventisme un début si dynamique. Considérez l'âge des pionniers : leur jeunesse est étonnante; James White quand il commença à prêcher avait tout juste atteint l'âge de 21 ans. En 1844, J. N. Andrews était âgé de 15 ans, Ellen Harmon de 17 ans, Annie Smith avait seulement 16 ans, Cyrus Farnsworth 22 ans et Uriah Smith seulement 12 ans. Même des pionniers comme Himes et Edson étaient encore dans leur trentaine. Il est vrai que les patriarches tels que le Capitaine Bates et William Miller étaient plus anciens, mais beaucoup parmi les fondateurs de l'Adventisme étaient à peine plus âgés que des adolescents.

C'est pourquoi Mme White avait un grand respect pour le pouvoir inexpérimenté des jeunes engagés dans un idéal; elle en avait fait partie (lorsque l'Adventisme du Septième Jour était né; et à travers sa longue vie, elle n'avait jamais perdu le talent juvénile de faire de grands rêves). Elle parla avec regret de la « grande armée » de jeunes qui porteraient l'Évangile « dans le monde entier »; aussi discerna-t-elle immédiatement le danger quand il devint clair que les forces de Kellogg s'intéressaient particulièrement aux jeunes de l'Église.

Le premier signe de cette stratégie fut révélé quand le livre de Kellogg sortit de presse. « Le temple vivant » fut immédiatement présenté et envoyé dans les Conférences locales juste à temps pour la saison des camp-meetings d'été et des « efforts énergiques » furent entrepris pour enrôler les jeunes dans sa diffusion et sa vente. Fr. Daniells nota cela avec un grand intérêt. « Je vis les semences jetées parmi les centaines de jeunes dans nos institutions éducatives » rapporta-t-il, quelque chose « qui produirait des résultats navrants auprès de centaines de nos frères, croyait-il. »

Kellogg commença ainsi à employer la jeunesse dans ses manœuvres politiques. En novembre 1903, Ellen White écrivait à S. N. Haskell l'avertissant que les étudiants étaient enrôlés dans une campagne par lettres, destinée à produire une pression en faveur du sanatorium. « Au sanatorium de Battle Creek, les étudiants étaient invités par les administrateurs à écrire à leur parents et amis pour leur dire quelles choses merveilleuses se faisaient dans l'institution » dit-elle, et la technique était vraiment ingénieuse. Quelle mère, après tout, serait tentée de croire quelque chose de mauvais à propos d'un lieu quand elle avait dans sa main une lettre de son enfant disant combien il aime cet endroit ?

Malheureusement, les choses au sanatorium étaient loin d'être merveilleuses, une réalité qui avait été montrée à Mme White maintes fois, et maintenant Kellogg était en train de compliquer le problème avec la réouverture de l'institut de Battle Creek.

En 1901, l'institut de Battle Creek avait été fermé et l'école déplacée dans les nouveaux quartiers de Berrien Springs où elle était davantage à l'abri de l'influence de plus en plus néfaste du sanatorium; ne restèrent à Battle Creek que les classes rattachées à l'enseignement médical. Le contrat pour l'institut de Battle Creek n'avait pas expiré, laissant la possibilité d'ouvrir à nouveau le campus. Et Kellogg se saisit de cette occasion pour atteindre encore davantage de jeunes. Il rouvrit l'école, présentant cela comme une nécessité pour accréditer l'école de médecine.

Par la suite furent imprimées et envoyées aux jeunes des brochures pour recruter des étudiants, où l'on présentait les avantages d'étudier à Battle Creek. Des équipes de recruteurs partirent pour une campagne itinérante au temps des camp-meetings. Des plans grandioses pour la nouvelle institution furent présentés et les jeunes furent appâtés par la promesse « de grands avantages » pour leur formation dans cet institut de Battle Creek réouvert – ce n'était pas un mauvais plan de recrutement, tout compte fait, et les étudiants commencèrent à s'inscrire.

C'est ce qui poussa Ellen White à rédiger son avertissement, écrit à Nashville dans une journée de juin 1904. N'envoyez en aucun cas, vos enfants à Battle Creek, telle fut l'exhortation adressée aux parents : les envoyer risquerait de perdre leurs âmes.

« Lorsque j'ai entendu parler pour la première fois de la réouverture de l'institut de Battle Creek, j'était très angoissée, car je savais que cela allait attirer beaucoup de jeunes. (Si les choses se passaient comme certains le souhaitaient)...

« Comment pourrions-nous consentir à voir la fleur de notre jeunesse être appelée à Battle Creek pour recevoir son éducation, alors que Dieu a donné avertissements sur avertissements qu'elle ne doit pas se rassembler là-bas ?

Quel était, au juste, le problème avec l'école ?

Pour une bonne raison : Battle Creek était envahi par un esprit de lutte, et c'est le type d'atmosphère auquel un jeune ne devait pas être exposé sans nécessité. Mais il y avait une raison plus profonde, liée spécifiquement avec l'école elle-même. À l'institut de Battle Creek, il y avait des administrateurs qui n'étaient pas fondés dans l'Adventisme. Parmi eux il y en avait quelques-uns qui « haïssaient » l'Esprit de Prophétie. À la moindre occasion, ils auraient imprégné « l'esprit des jeunes gens de doute à propos du message adventiste ».

« Des personnes qui se trouvent là-bas en qualité de dirigeants et d'enseignants ne comprennent pas le fondement réel de notre foi » dit-elle. « J'ai été instruite qu'à Battle Creek, il y a des hommes qui... ont rejeté la lumière... À moins que ces hommes ne se convertissent, ils deviendront (des pièges de Satan, pour conduire les âmes loin de la vérité... Ils vont travailler pour saper la confiance de ceux dans les esprits desquels ils réussissent à planter les semences du doute et de l'interrogation). Ils haïssent les Témoignages de reproche qu'on leur envoie, et ils refusent de suivre la lumière donnée par Dieu... »

Ce n'est pas surprenant que bien des diplômés quittent l'institution sans avoir une idée de ce que cela signifie réellement être Adventiste. « Beaucoup parmi ceux qui ont été éduqués à Battle Creek ont besoin d'apprendre les principes de base de la vérité présente... Que Dieu nous préserve de donner une parole d'encouragement pour appeler notre jeunesse dans un lieu où elle serait instruite avec des représentations erronées et fausses concernant les témoignages, l'œuvre et le caractère des ministres de Dieu. »

Cela, de même que son étonnant avertissement à propos des « espions », ce n'est pas le type de langage que l'on entend habituellement dans les communications au sein de l'Église. C'est un cri de désespoir profond qui se ressent dans un passage quelques phrases plus loin : « mon message deviendra de plus en plus explicite, comme ce fut le cas du message de Jean le Baptiste, même si cela doit me coûter la vie. Les gens ne doivent pas être trompés ».

Ellen White a été parfois accusée avec rudesse d'étouffer les jeunes avec un excès d'avertissements spirituels – une critique qui ignore le fait qu'elle-même était une adolescente lorsqu'elle aidait l'Adventisme à démarrer. Au contraire, loin d'étouffer les jeunes, en 1904, elle était prête à mourir pour eux.

Ses déclarations concernant l'éducation sont claires et franches. Mais avant de la juger sur un plan académique, il est bien de considérer quelques éléments. Il n'y a rien au monde qui ait plus d'importance, de valeur qu'un enfant. La voiture, le bateau, la télévision à grand écran, même la pension – rien de tout cela ne parvient à égaler la valeur d'un être humain que vous avez vu grandir.

Quand un jeune entre au collège, il ou elle sera placé sous l'influence de ce nouvel environnement pendant les années les plus importantes de sa vie – les années de formation, au cours desquelles sont prises les décisions qui affecteront l'œuvre d'une vie, le succès personnel, le mariage, et, également, la vie éternelle. On a dit qu'il y a deux périodes dans la vie durant lesquelles une personne peut être modelée d'une façon significative : dans la première enfance, et dans les années de collège.

L'objectif d'un lycée ou d'une université adventiste ne doit pas être uniquement de se perpétuer. Son objectif doit être de produire des diplômés qui seront productifs et réussiront dans cette vie, pendant qu'ils se préparent, et qu'ils préparent aussi d'autres personnes pour le ciel. Et quand un campus cesse d'accomplir cette fonction, il a perdu la raison même de son existence.

Cependant, les hommes de Kellogg rouvrirent l'institut de Battle Creek, qui avait été fermé lorsque la dénomination avait déplacé l'école à Berrien Springs, et maintenant ce campus nouvellement ouvert était rempli de confusion sur ce que cela signifie réellement être adventiste. De fausses doctrines se mélangeaient avec l'Adventisme d'une façon telle qu'on donnait même de nouvelles définitions à des croyances adventistes de base. Dans cet environnement, les jeunes auraient été exposés à la nouvelle théologie déguisée sous son apparence la plus attractive.

Il s'agissait d'un défi qui amena Mme White à donner un des plus francs avertissements qu’elle n’ait jamais donné aux parents. « Comment pourrions-nous consentir à voir la fleur de notre jeunesse appelée à Battle Creek pour recevoir son éducation ? » s'écria-t-elle. Certains des enseignants « ne comprennent pas le fondement réel de notre foi... À Dieu ne plaise qu'un mot d'encouragement soit prononcé pour appeler notre jeunesse là où elle sera éduquée avec des théories erronées... »

Il est intéressant de considérer les problèmes qui l'ont amenée à déconseiller les gens d'envoyer leurs enfants dans un certain campus. Des enseignants qui ne « comprennent pas » eux-mêmes le fondement réel de l'Adventisme. Des étudiants qui obtenaient des diplômes sans connaître les « premiers principes » de notre foi. « Des théories erronées et des mensonges » concernant l'Esprit de Prophétie et le ministère de l'Église. Elle dit qu'à l'institut de Battle Creek, la jeunesse serait conduite à douter des vérités les plus claires de l'Adventisme.

Il existait aussi un autre danger qui guettait la jeunesse – l'immoralité pure et simple, même pas déguisée. On avait rapporté sur la première page d'un journal un scandale adventiste vis-à-vis de la morale, et au moins un enseignant, rempli de la nouvelle théologie, enseigna quelque chose qu'il appela « affinité spirituelle » dans laquelle il suggérait que la femme d'un homme au ciel pouvait ne pas être la même que celle qu'il avait eue sur la terre. Laissons à l'imagination les résultats immédiats d'un tel enseignement.

Un dirigeant de l'Église de ce temps là rappela plus tard qu'il « y avait des idées confuses concernant l'amour libre » et qu'il y avait des « pratiques immorales » de la part de quelques-uns parmi ceux qui présentaient la nouvelle théologie. Et, comme s'il rougissait en considérant la page imprimée, il ajouta : « Les détails de cette triste histoire ne peuvent être donnés maintenant, mais ceux qui connaissent les faits comprendront le sens de ces mots : « Les théories panthéistes ne sont pas soutenues par la Parole de Dieu... L'obscurité est leur élément, la sensualité leur sphère. Elles satisfont le cœur naturel et donnent libre cours aux inclinations. » « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits » avait dit Jésus. Même si l'erreur était si intelligemment déguisée de façon à conduire quelqu'un pendant un temps dans la confusion, il y avait un test qu'on pouvait appliquer aux résultats d'un enseignement : quels étaient ses effets sur le comportement d'une personne ? En 1903, il apparaissait que le résultat final de la nouvelle théologie était – entre autres problèmes – une perte de moralité, une dépravation des mœurs. Il n'est donc pas étonnant qu'Ellen White fut inquiète à cause de ce programme agressif pour attirer les jeunes dans un tel lieu. La bataille s'était déplacée sur un nouveau terrain. Mais cette fois, ce n'était pas seulement une institution qui était concernée. Les pions dans la bataille pour le pouvoir étaient maintenant constitués par le plus précieux trésor que les parents adventistes avaient au monde, et bientôt les effets commencèrent à se faire sentir. Des lettres angoissées commencèrent à arriver sur le bureau d'Ellen White, provenant des parents qui avaient envoyé leurs jeunes à Battle Creek et qui les voyaient renoncer à leur foi, et ces tristes histoires commencèrent dès 1906 : « Un père écrit que de ses deux enfants envoyés à Battle Creek, l'un est maintenant un incroyant et l'autre a abandonné la vérité. « De telles lettres sont venues de différentes personnes. »

« Qui est responsable d'avoir donné à la jeunesse, jeunes gens et jeunes filles, une éducation qui a laissé sur leurs esprits une influence trompeuse ? » s'écria-t-elle dans un désespoir pathétique. « Parents, gardez vos enfants loin de Battle Creek... Si vos enfants sont à Battle Creek, rappelez-les sans délai. »

L'ironie la plus triste, c'était que Dieu avait donné à son Église un plan tellement clair à propos de l'éducation. De même que ses conseils concernant les soins pour la santé, ce plan allait à l'encontre des opinions conventionnelles et de la vanité institutionnelle, mais si on l'avait suivi, il aurait évité beaucoup de problèmes qui autrement auraient pu mettre l'église en danger.

Un de ces principes était d'avoir des établissements scolaires de petite taille. « Il ne faut pas prendre des dispositions pour accueillir un grand nombre d'étudiants au même endroit, sinon le sceau du moule de l'éducateur sera imprimé dans les esprits et les caractères des étudiants. Si l'Esprit de l'enseignant est porté dans une direction, ou s'il est mal équilibré... les étudiants manifesteront le caractère défectueux du sceau. »

Pensez à cela, et vous verrez que l'idée a un sens : concentrez trop de gens sous l'influence d'une personne ou d'une institution, et vous faites tout reposer sur la spiritualité de la personne en fonction. Tout comme nos institutions sanitaires, nos écoles auraient dû être de petits campus ruraux, où les étudiants pouvaient être en contact avec la nature, et où une partie de leur temps d'étude serait consacré à un travail physique. Ellen White avait souvent parlé de la nécessité d'éduquer la personne entière, alternant l'effort mental intense avec l'activité physique; cela permet de développer à la fois le corps et l'esprit. D'une manière que l'on pourrait aujourd'hui trouver victorienne, elle déconseilla la pratique de sports compétitifs, expliquant que les besoins physiques d'une personne pouvaient être mieux satisfaits en apprenant quelques travaux manuels utiles.

De toutes ses idées, c'est probablement la moins appréciée. Les sports aujourd'hui constituent une grande partie de la vie américaine, et on préférerait voir les jeunes jouer au basket-ball plutôt que de se tirer dessus avec des armes à feu. Mais dans un établissement adventiste, qu'est-ce qui justifie que cette déclaration soit encore pertinente ?

En premier lieu, dans toute compétition sportive il y a – par définition – des vainqueurs et des perdants. Si quelqu'un gagne, c'est qu'il y a un perdant! Cela est à l'opposé de la méthode du salut. Pour être sauvé, vous n'entrez en compétition avec personne. En revanche, vous cherchez à aider les autres à vaincre également. Dans le plan du salut, personne n'a besoin de « mieux ».

Faites maintenant la comparaison avec les sports compétitifs. Faites de votre mieux pour atteindre un but, et ce sera la tâche de quelqu'un d'essayer de vous bloquer; pas de mauvais sentiments mais ce sont les règles du jeu. Généralement les sports compétitifs sont une forme de combat simulé (comme le sont la plupart des jeux vidéo!) Cela pourrait-il instiller dans le jeune esprit l'idée que c'est ainsi que nous devons jouer le jeu de la vie ? S'il en est ainsi, cela donne à nos jeunes gens une très puissante leçon qu'ils seront obligés de désapprendre avant qu'ils puissent effectivement découvrir Christ.

Pour la star occasionnelle, légendaire du basket-ball qui fréquente les écoles adventistes seulement pour atteindre la gloire dans les sports professionnels, le conseil d'Ellen White d'apprendre un second métier peut s'avérer économiquement non nécessaire; mais pour l'étudiant moyen qui n'est pas sollicité par les recruteurs de championnat de basket-ball, il se peut qu'il y ait un bon conseil caché dans cette rhétorique « Victorienne ». Dans le monde économique actuel, presque tout jeune adventiste peut trouver intéressant de maîtriser un métier manuel vers lequel il pourrait se tourner – particulièrement lorsque les rues sont pleines de diplômés qui rivalisent pour le peu de places disponibles dans les métiers de cols blancs. Son conseil, s'il était suivi, donnerait au moins à chaque jeune la même ressource utile que celle à laquelle l'apôtre Paul dut avoir recours occasionnellement – une autre qualification que l'on pourrait vendre, si nécessaire sur le marché.

Mais plus que toute autre chose, elle a vu l'éducation adventiste comme un terrain d'entraînement pour évangélistes – évangélistes médicaux, évangélistes enseignants, évangélistes commerciaux – oui, même des évangélistes dans les affaires; surtout des évangélistes dans les affaires. Le monde des affaires, c'est le lieu où la plupart des adventistes laïques auront à gagner leur vie et rencontreront ceux qui ne connaissent pas le Message des Trois Anges. Plus que les autres groupes, ils ont spécialement besoin de vivre leur foi. C'est une chose de faire des professions de foi, mais si les actes ne correspondent pas aux paroles, ce paradoxe sera remarqué dans le monde des affaires plus rapidement qu'ailleurs. N'importe qui peut proclamer ses croyances, mais si les gens dans le monde des affaires craignent de le voir arriver, sachant que l'on ne peut pas compter sur ses promesses, il peut causer de grands dommages que dix évangélistes ne pourront réparer. « Il y a un besoin d'hommes d'affaires qui vivent les grands principes de la foi dans toutes leurs transactions. Et leurs talents doivent être perfectionnés par un apprentissage très approfondi... De Daniel, nous apprenons que dans toutes ses transactions commerciales, lorsqu'elles faisaient l'objet d'un examen très rigoureux, on ne pouvait trouver la moindre faute ou erreur. Il était un exemple de ce que tout homme d'affaire pourrait être.

Ellen White attendait beaucoup des jeunes, à juste titre. Elle connaissait mieux que la plupart des gens ce que les jeunes pouvaient accomplir. En 1844, alors que des chrétiens de profession se moquèrent de la venue de Christ (et fêtèrent dans la jubilation le désappointement) une poignée de jeunes tenaient bon avec une conviction acharnée, et ils devinrent le noyau de l'Adventisme du Septième Jour. Elle ne perdit jamais le rêve de sa jeunesse au sujet de grands idéaux accomplis avec noblesse. Donnez-lui une chance, disait-elle, et la jeunesse adventiste sera capable de terminer l'œuvre de Dieu.

Mais pour faire cela, les jeunes auraient besoin de la meilleure éducation du monde. Ils ne la trouveraient pas dans les collèges mondains, où la foi était souvent minée par le scepticisme, dit-elle. Pour les jeunes adventistes, ce qu'il y avait de meilleur était juste suffisant : des campus où le message adventiste était proclamé avec clarté et conviction.

Il y avait, bien sûr, un danger. Si les étudiants, dans les campus adventistes, étaient exposés au doute et au cynisme, si le message prophétique de l'Église était toujours défié dans les académies adventistes, le désastre pouvait être au-delà de tout calcul. Cela pouvait coûter la perte d'une génération de jeunes. Dans le pire des cas, cela aurait pu mettre en cause la survie même de l'Église. Pour ce motif, Mme White avertit que le choix des enseignants pour nos écoles était une lourde responsabilité, et elle précisa surtout de ne pas embaucher des enseignants qui ne croyaient pas à la vérité du sanctuaire :

« Tout homme qui cherche à présenter des théories qui nous conduiraient loin de la lumière qui nous est parvenue à l'égard du ministère dans le sanctuaire céleste, ne devrait pas être accepté comme enseignant. »

Comme la bataille faisait rage en 1905, Mme White semble avoir ressenti l'épreuve si intensément qu'elle se demanda si elle allait y survivre. En novembre de la même année, elle écrivit de sa maison de Helmshaven. Elle avait connu des troubles du sommeil lorsqu'elle considéra l'apostasie en cours au cœur même de l'Adventisme, et dans ce témoignage, elle confirma que le stress aurait pu avoir raison d'elle. « J'écris cela parce que d'un moment à autre ma vie pourrait s'achever. À moins qu'on ne se dégage de l'influence que Satan a préparée... les âmes périront dans leur illusion. » Ensuite, elle se préoccupa de l'éducation. Toute cette éducation supérieure qu'on est en train d'imaginer sera éclipsée parce qu'elle est une contrefaçon. Plus l'éducation de nos ouvriers est simple, moins ils ont de relations avec les personnes qui ne sont pas conduites par Dieu, plus on aura de résultats. L'œuvre sera accomplie dans la simplicité de la vraie dévotion, et les anciens temps reviendront quand, sous la conduite du Saint Esprit, des milliers étaient convertis en un jour. »

Il répondit : « Je vous le dis, s'ils se taisent, les pierres crieront ! » (Luc 19:40)

En tant qu'Adventistes, nous sommes différents de nos frères catholiques de maintes façons. Le changement du Sabbat, les persécutions du moyen-âge, la vénération de Marie, et même l'intrusion dans le ministère de Christ dans le sanctuaire par le moyen des confessions aux prêtres – tout cela est décidément contraire aux croyances adventistes.

Mais pour une fois, les pierres crient. Pendant sept ans de ma vie scolaire, j'ai été étudiant dans un campus catholique et au cours de cette période j'ai obtenu 3 diplômes d'études supérieures et – peut-être ironiquement – une récompense académique pour un travail en loi constitutionnelle par un évêque catholique-romain. Pendant ce temps-là, j'appris à bien connaître la foi catholique. Et je peux même confesser cela : j'ai appris à aimer les catholiques. Je lis encore, chaque mois, diverses publications catholiques. Sur invitation de Malachi Martin, j'ai rejoint un groupe qui reçoit mensuellement une note d'information de Rome, car je désire connaître ce que mes amis catholiques pensent. L'histoire que je vais vous raconter, je l'ai lue pour la première fois dans le numéro d'octobre 1993 de Crisis, une revue catholique que je recommande à tous ceux qui désirent comprendre l'opinion des Catholiques conservateurs aujourd'hui.

L'Université Franciscaine est un campus catholique situé à Steubenville, en Ohio. Il y a quelques années, ce campus a dû faire face au type de problèmes que connaissent la plupart des campus religieux. Les finances n'étaient pas bonnes. Les inscriptions étaient descendues à 1.033 étudiants. L'intérêt religieux parmi les étudiants déclinait. Un jour le président reçut un mémorandum de la part du doyen des étudiants qui suggérait de supprimer la messe du dimanche matin, car personne ne désirait se lever pour être présent. Le campus se trouvait dans une si mauvaise situation que lorsque le comité d'administration chercha un nouveau président, les trois premiers candidats proposèrent tout court de fermer l'institution.

Enfin le comité de nomination s'adressa à un prêtre catholique, Michael Scanlan, qui déclara ouvertement que s'il était choisi comme président il ferait de l'institution « un soutien pour les valeurs chrétiennes et catholiques ». Lorsqu'on l'invita à accepter la charge de président, il se présenta devant le comité d'administration au complet pour leur communiquer son intention de réaliser une révolution spirituelle, « conduisant à un clair engagement envers Jésus-Christ comme le chemin de la Vérité et la Vie. »

Son arrivée fut orageuse, les étudiants le saluèrent avec une requête de dortoirs librement ouverts. Le doyen représentant les étudiants l'avertit que l'unique façon de changer les habitudes du campus c'était de « renvoyer tous les étudiants actuels et de démarrer tout à nouveau ». Comme il commençait à contrôler le fonctionnement de la faculté, en insistant sur le fait qu'il devait être conforme aux valeurs catholiques, quelques jeunes membres de sa faculté convoquèrent une réunion de faculté pour chercher à obtenir un vote de défiance envers le Président.

Parmi les réformes qu'il introduisit, l'une est particulièrement intéressante. Il mit fin à toutes les activités athlétiques intercollégiales. Pourquoi ?

Parce que, selon ses paroles, il voulait « clarifier les principes scolaires »! Cette réforme lui coûta des réactions furieuses de la part de bien des étudiants.

À ce point, l'histoire peut être relatée avec plus d'éloquence par les paroles du président Scanlan :

« J'ai trouvé dans la prière ma plus grande ressource... J'ai prié avec ferveur pour obtenir l'aide de Dieu, surtout quand j'étais dans un besoin désespéré, y compris le besoin financier. Certains matins, je suis resté en prière pendant trois ou quatre heures avant d'aller au bureau, en demandant au Seigneur quoi faire. « Pourquoi aller au bureau si l'on ne sait pas quoi faire ? »

Dans Messages Choisis, Ellen White fait une déclaration qui s'adapte à ce cas avec une force contraignante. On la trouve dans le troisième volume, à la page 386 :

« Dieu a des disciples, beaucoup d'entre eux, dans les églises protestantes, et une grande quantité dans les Églises Catholiques, qui sont plus disposés à obéir à la lumière et à faire de leur mieux selon leurs connaissances que beaucoup d'Adventistes observant le Sabbat qui ne marchent pas dans la lumière. »

Aujourd'hui, l'Université Franciscaine est un lieu très différent. Les inscriptions ont presque triplé. Récemment, ils ont eu la classe entrante la plus nombreuse et le total d'inscriptions le plus élevé de leur histoire. Notre chapelle se remplit pour la messe deux fois par jour », écrit Scanlan. « Nous avons ajouté au campus cinq chapelles pour servir le nombre croissant d'étudiants qui font de la prière quotidienne une priorité. Nos 12 prêtres... sont submergés de requêtes pour le sacrement de réconciliation. » Je suis bien conscient du fait que ce campus est à la fois catholique et charismatique. Mais même si l'on n'est pas d'accord avec leur théologie, leur spectaculaire réforme et le succès qui a suivi prouvent qu'on peut attirer beaucoup d'étudiants dans un campus qui vit effectivement les principes conservateurs qu'il prétend croire.

Comment eut lieu la transformation? Parce qu'un président d'université prit position pour les principes que son campus était supposé promouvoir. Souvent les visiteurs lui demandent le secret du succès de son école. Sa réponse : « Où est votre président ? Quelles sont ses priorités et ses valeurs ? C'est là que tout commence. »

Pour ceux qui désirent répéter son expérience dans d'autres campus catholiques, il donne quelques conseils :

1. Ne faites pas de compromis avec les principes. Faites tout le programme scolaire « ouvertement catholique et chrétien ».

2. Assurez-vous que le curriculum de l'école soit « fondé sur les vérités catholiques ». Si une école catholique ne soutient pas les principes catholiques, dit Scanlan, « nous ne devons pas l'appeler catholique ».

3. Que la faculté soit basée non seulement sur ses lettres de créance académiques, mais sur « son support en faveur de la mission de l'école. »

4. Donnez aux étudiants une ambiance si clairement religieuse que tout méfait apparaît déplacé. Quand il fut confronté à la requête de dortoirs ouverts, au lieu de cela il organisa les dortoirs en « Maisons de foi », et il prit sur lui la charge de pasteur du campus. Aujourd'hui, les chapelles du campus sont toujours bondées d'étudiants pendant les cultes.

Dans le même numéro fascinant de Crisis, a été publié un article jumeau qui vaut la peine d'être lu. Son titre est « Le choix du collège, un guide pour les parents. » Son auteur est C. John McCloskey III, aumônier d'un centre de l'Opus Dei situé près de l’université Princeton. Il suggère des tests intéressants aux parents, à utiliser pour le choix du collège pour leurs enfants. Étant prêtre, il les a conçus en termes catholiques, bien sûr, mais tout de même ses idées peuvent avoir un champ d'application bien plus vaste.

1. Le cœur même d'une université, dit-il, est « un département théologique solide. » Est-il loyal aux enseignements de l'Église ? « Un collège qui d'habitude tolère des enseignements qui sont en contradiction avec les enseignements de l'Église perd le nom de catholique dans son sens réel. »

2. Examinez la liste de ceux qui ont parlé au campus l'année précédente. Est-ce qu'ils sont en faveur des principes religieux ? « Après tout, pourquoi devriez-vous supporter avec l'argent consacré à l'enseignement la diffusion d'opinions opposées aux enseignements catholiques ? »

3. Au campus, y a-t-il un sens réel de la mission, qui doit qualifier les étudiants non seulement pour leur carrière, mais pour une vie de conviction religieuse ?

4. Quel est le pourcentage du corps étudiant qui pratique réellement sa foi ?

5. Comment sont les dortoirs ? Essayez de passer une nuit dans un dortoir. Les dortoirs sont-ils caractérisés par la même tonalité morale et sous la surveillance d'un adulte « que vous souhaiteriez pour votre enfant s'il était encore à la maison ? » N'oubliez pas, dit-il, que « c'est votre propre enfant que vous pourriez exposer à un risque moral et physique. »

6. En dernier lieu, « ne vous laissez pas tromper par ceux qui prétendent être catholiques, dont les moyens d'existence et la retraite dépendent de la sauvegarde des apparences. Ne vous trompez pas vous-mêmes en pensant que vous envoyez un garçon ou une fille dans une institution catholique si cette dernière ne vit pas à la hauteur des standards de l'Église. « Les universités laïques ont beaucoup de problèmes, mais parmi ces difficultés il n'y a certainement pas la prétention d'être catholique. »

Est-ce un langage direct ? Oui. Mais il n'est pas plus franc que le langage qu'Ellen White a employé lorsque la jeunesse Adventiste était en danger. « Quelques-uns trouvent bizarre que j'écrive : 'N'envoyez pas vos enfants à Battle Creek'... Les jeunes à Battle Creek sont en danger. Ils entreront en contact avec l'erreur. Il y a quelques années, je ne pensais pas qu'ils seraient confrontés à ces erreurs au sein du sanatorium, mais quand sortit « Living Temple », et que quelques-uns de nos pasteurs me dirent que dans ce livre il n'y avait absolument rien d'autre que ce que j'avais enseigné pendant toute ma vie, je vis combien le danger était grand. Je vis que la cécité était tombée sur certains qui connaissaient la vérité depuis longtemps. Je prie le Seigneur d'ouvrir les yeux de ces pasteurs, afin qu'ils puissent voir la différence entre la lumière et les ténèbres, entre la vérité et l'erreur. »

« Ce serait beaucoup mieux de cesser de chercher à obtenir une éducation... plutôt que d'obtenir la meilleure des éducations, et de perdre la vision des avantages éternels. »

Oui, je le sais : C. John McCloskey est un prêtre catholique, et il y a bien des différences entre nous et les Catholiques. Mais comme je m'assieds à mon bureau, voyant à travers la fenêtre une pluvieuse matinée sur les sierras de Californie, une déclaration d'Ellen White me vient à l'esprit.

« Il y a beaucoup d'âmes qui sortent... des églises – même de l'église Catholique – dont le zèle dépasse de beaucoup le zèle de ceux qui ont occupé jusqu'ici leur place parmi ceux qui proclament la vérité... Quand la crise viendra sur nous, quand la période de la calamité viendra, ils viendront sur le front, et ils exalteront sa loi... »

Et alors je lis encore une fois le puissant article de l'aumônier McCloskey, et je découvre quelque chose : changez le mot « Catholique » en « Adventiste », et vous aurez le type de conseil qui aurait épargné aux parents bien des chagrins pendant une apostasie appelée l'Alfa – conseil qui nous arrive d'une source que nous n'aurions pas imaginée.

Il répondit : « Je vous le dis, s'ils se taisent, les pierres crieront ! »