Oméga II

Chapitre 1

Je vous aiderais si je le pouvais !

[Flash Player]

C'était le jour de l'an 1900, et l'avenir apparaissait lumineux comme un matin de printemps. Dans toute l'Amérique l'économie rugissait de vie. « Les hauts fourneaux sont chauffés à blanc, les moteurs tournent en chantant », s'écriait un sénateur américain. « La joie vient pour chacun de nous avec la prospérité. »

Le jeune sénateur de l'Ohio n'était pas le seul de cet avis. Le 1er janvier 1900, l'avenir semblait plein de promesses. Pour une fois, le monde était totalement en paix. La chine avec ces centaines de millions d'habitant était encore ouverte aux voyages et à l'Évangile. À l'intérieur de l'immense pays que ses fils et ses filles appelèrent « la Grande Russie », régnait une courte période de tranquillité et de calme. Bientôt la guerre et la révolution briseraient cela, mais il restait encore presque deux décades avant le crépitement de la canonnade à l'extérieur du palais d'hiver du Tsar, qui changerait pour toujours le cours de l'histoire et les possibilités de travail pour Dieu. De vastes changements étaient comme suspendus à l'horizon, semblables à la lointaine ligne grise annonçant l'approche d'une tempête sans précédent; mais au Nouvel an 1900, peu de personnes voyaient autre chose que le soleil brillant.

« Si quelqu'un n'a pas gagné d'argent cette année passée, son cas est désespéré », exultait un éditeur de journaux, et un ecclésiastique new-yorkais prêchait que « les lois devenaient plus justes, les règles plus humaines; la musique devenait plus douce et les livres plus sages. »

L'une des voix discordantes vint d'une petite femme de 72 ans qui se trouvait ce 1er janvier, en Australie, dans la Nouvelle Galles du Sud. Depuis plusieurs années, Ellen White avait parlé de plus en plus nettement concernant une grande catastrophe qui viendrait bientôt sur le monde : « Bientôt il y aura mort et destruction, accroissement dans le crime, des hommes cruels travailleront contre les riches qui se sont enorgueillis aux dépens des pauvres. » Des agents humains sont dès maintenant entraînés à utiliser toutes leurs capacités d'invention afin de rendre opérationnelles les plus puissantes machines pour tuer » dit-elle, et les armes ainsi construites laisseront tout le monde « sans aucune sécurité nulle part » sur la terre. Tout cela, avertit-elle, allait bientôt bloquer l'œuvre accomplie par l'Église.

Elle prédit que « des déplacements d'un lieu à l'autre pour diffuser la vérité seraient bientôt entourés de dangers à droite et à gauche » et elle recommanda vivement « que les moyens et les hommes soient éparpillés pour présenter la vérité et donner les avertissements dans d'autres contrées. »

Étranges paroles, directement en contradiction avec l'humeur du jour et beaucoup moins faciles à accepter que les propos apaisants du Révérant Newell Hillis qui parlait à la congrégation de Brooklin de livres plus sages et de musique plus douce. Mais au premier jour de ce nouveau siècle, les Adventistes du Septième Jour auraient dû accorder une attention particulière aux avertissements d'Ellen White car celle-ci avait trop souvent vu juste dans le passé, et chaque fois que l'Église avait choisi de l'ignorer, les résultats avaient été tragiques. Personne n'avait la possibilité de le discerner, en ce matin du Nouvel An, mais les prédictions d'Ellen White étaient près de leur accomplissement. Dans ce même mois, Lénine fut libéré de sa prison de Sibérie et traversa rapidement la Russie pour gagner la sécurité à l'Europe de l'Ouest. Dans la même Europe, les nations étaient en train de constituer les alliances (Triple Alliance et Triple Entente) qui allaient conduire directement à la Première Guerre Mondiale. Et à Zurich, un jeune étudiant, nommé Albert Einstein, écrivait d'étranges formules et voulait découvrir comment convertir la matière en énergie. Quarante-cinq ans plus tard, son idée allait illuminer le ciel matinal sur Hiroshima.

Pour le monde, il semblait que ce fût le matin. Mais en réalité, au sablier de l'histoire, il était tard – très tard. Une douzaine d'années s'étaient écoulées depuis qu'Ellen White avait dit à l'Église que la Pluie de l'Arrière-saison était sur le point de tomber. La législation sur le Dimanche avait déjà été vivement débattue aux États-Unis. Et on disposait encore d'un bref moment de paix et de prospérité désigné pour donner au peuple de Dieu une dernière opportunité afin de terminer rapidement son œuvre. Et la question à laquelle l'Église était confrontée était d'une exquise simplicité : son peuple reconnaîtrait-il l'urgence du moment? Ou bien irait-il prendre des bains de soleil en ce dernier jour lumineux de l'histoire, jusqu'à ce que l'occasion ait disparue?

Le 1er janvier 1900, Ellen White se leva tôt le matin et, selon son habitude, prit son bain, s'habilla et se dirigea promptement vers sa chaise pour écrire. Elle le faisait depuis plusieurs années. Les heures matinales étaient les meilleures, libres de toute distraction et du travail de la journée, et si son lever matinal était souvent provoqué par des douleurs nocturnes, elle avait appris à tirer le meilleur parti de la situation. À l'heure du petit déjeuner, elle avait généralement plusieurs heures d'écriture derrière elle.

Ce matin-là, son esprit était préoccupé par un problème particulier qui représentait depuis quelques années la part la plus importante de ses inquiétudes : où en était le travail médical adventiste? S'il y avait une part de son ministère que l'Église ne pouvait se permettre de compromettre, c'était le travail sanitaire – l'évangélisation médicale, le « bras droit » du message. Cependant les motifs de préoccupation augmentaient. Récemment des nouvelles inquiétantes étaient arrivées de Battle Creek, au Michigan, là où était située l'institution principale de santé – vaisseau amiral – de l'Église.

Avant tout, malgré les avertissements répétés d'Ellen White, la ville était devenue une colonie adventiste croissante et difficile à conduire. Pendant plusieurs années, elle avait mis en garde avec force contre le danger de concentration de moyens et de talents au même endroit. Cependant, en 1900, les institutions adventistes dominaient la ville. Près des berges de la rivière Kalamazoo se dressait le bâtiment de la Review and Herald dont la gérance était compliquée par le fait que, attirée par les profits externes, cette institution travaillait pour les clients de l'extérieur qui pouvaient payer. Comme résultat, la Review imprimait maintenant certaines publications qui n'avaient rien d'Adventiste. Un bloc plus loin, le « Dîme Tabernacle » avait une capacité de 3.400 personnes. Là, 173 classes d'École de Sabbat se rencontraient chaque Sabbat matin, des clans luttaient pour la suprématie et, pendant une courte période, les fonds de la dîme furent réellement détournés pour les dépenses effectuées dans l'Église. À moins de deux kilomètres de là se trouvaient les bureaux de la Conférence Générale, le Battle Creek College, la fabrique de produits alimentaires en pleine extension et un orphelinat. De plus un millier de croyants adventistes habitaient là dans un espace si restreint et rempli de spéculateurs immobiliers que les observateurs amusés (et parfois dégoûtés) l'appelaient « le camp minier adventiste. »

Pour Ellen White, méditant dans ce matin de Nouvel An 1900 sur le bien-être de l'Église, de pareilles nouvelles étaient profondément inquiétantes. Ce style de vie envahi par le monde, avait déjà retardé la Seconde Venue. Maintenant l'Avent était en retard – en retard de dizaines d’années. En 1883, elle avait dit que le Seigneur aurait pu venir bien avant : « Si les Adventistes, après la grande déception de 1844, étaient restés fermes dans leur foi et avaient suivi dans l’unité les providences de Dieu qui s'ouvraient devant eux... Christ serait déjà venu avant ce jour. »

Elle avait répété cela dans des termes presque identiques en 1894 et 1898, et l'avait publié dans deux de ses 8 livres les plus lus, La Tragédie des Siècles et Jésus-Christ. Dans la même année 1900, elle avait répété une fois de plus la même chose, dans le 6ème Volume des Témoignages pour l'Église : « Si l'intention de Dieu avait été exécutée par Son peuple... Christ serait venu sur cette terre avant aujourd'hui... » Mais cette fois-là, elle aurait ajouté une observation précise sur ce qui exactement, retenait l’accomplissement de l'intention de Dieu : » « Que les ressources ne soient pas employées pour multiplier les installations là où l'œuvre est déjà établie. N'ajoutez pas bâtiment à bâtiment là où trop d'intérêts sont actuellement concentrés. »

Tout cela constituait un problème qui était en train d'échapper au contrôle à Battle Creek : les personnes en charge des institutions faisaient exactement ce qu'elle conseillait de ne pas faire. On concentrait les moyens, les talents et les efforts dans de grandes institutions, de plus en plus difficiles à gérer, pendant qu'ailleurs dans le monde des zones nécessiteuses souffraient par manque de fonds.

Malheureusement ce manque de vision se réfléchissait aussi dans la vie des laïcs. Submergés par une prospérité conçue pour terminer rapidement l'œuvre de Dieu, beaucoup d'entre eux furent égarés par la richesse matérielle, ajoutant maison à maison et investissement à investissement, comme si le monde dans lequel ils vivaient pouvait durer toujours. Le délai de l'Avent n'était pas un mystère : il était causé par l'échec persistant du peuple qui professait appartenir à Dieu et ne parvenait pas à être vraiment sérieux dans sa recherche de Jésus.

Maintenant la crise approchait de son apogée. Il y avait un danger croissant que l'Avent, longtemps stoppé par le peuple qui aurait dû le proclamer, puisse être reculé à une époque très, très éloignée. En fait, après quelques mois, Mme White avait révélé que l'Église était exactement au bord de cette éventualité. « Nous pourrions être amenés à rester ici dans ce monde encore de nombreuses années à cause de l'insubordination, ainsi que le firent les enfants d'Israël » dit-elle, en 1901, « mais pour l'amour de Dieu, son peuple ne devrait pas ajouter péché à péché en accusant Dieu des conséquences de sa propre mauvaise conduite. »

Ainsi l'Église avait été prévenue : les enfants de Dieu pourraient rester dans ce monde beaucoup plus de temps que personne ne pouvait l'envisager, et la cause venait tout simplement du manque de dévouement à la foi qu'ils professaient. Partout à Battle Creek, on pouvait en apercevoir les preuves, et nulle part mieux que dans le sanatorium.

Le gigantesque complexe de style victorien appelé « Battle-Creek Sanatorium » semblait rapetisser chaque chose autour de lui, car il s'étendait sur trois cent trente mètres le long de la rue Washington et mille employés y travaillaient. Ellen White avertit que mille employés commenceraient à voir leur travail non plus comme une mission mais comme une confortable carrière semi-laïque. Pour une Église dépendante de l'évangélisation sanitaire, cela représentait un danger qu'on ne pouvait se permettre de sous-évaluer. Dans un sens opérationnel, une institution vitale pour l’Église était en train de mourir.

Depuis plusieurs années, des présages venant de Battle-Creek avaient été inquiétants, marqués d'indications selon lesquelles cette massive institution pouvait échapper au contrôle de la Dénomination et être perdue pour le message adventiste. Bien avant, en 1895, le Dr. John Harvey Kellogg, directeur de l'œuvre médicale, avait établi le Collège Médical Missionnaire Américain. Le nom semblait assez rassurant – le genre de terminologie pour apaiser les inquiétudes des participants délégués à une assemblée constituante. Mais lorsqu'on lui demanda de rendre le lieu plus distinctement adventiste, Kellogg démontra par des clichés apaisants que l'on peut cacher une partie de la réalité. « Ce n'est pas l'école d'une secte » avait-il déclaré, et « les doctrines d'une secte ne seront pas enseignées ici. »

En 1900, le sanatorium était déjà devenu une place forte dans l'Église, ce qui impliquait que si l'Église désirait assurer elle-même l'avenir de sa plus grande institution, elle devrait bientôt compter avec le Dr. Kellogg.

Kellogg était un homme petit et énergique, s'agitant autour de Battle Creek, en costume blanc et guêtres et qui avait la réputation, tandis qu'il se rendait au travail en bicyclette, de dicter son courrier à un secrétaire haletant courant à ses côtés. Il possédait un caractère complexe et séducteur, un don inné pour la médecine et pour le commandement. Il pouvait pleurer en lisant des lettres d'Ellen White à un groupe de fidèles, tout en la condamnant après comme plagiaire. Il semblait être capable de tout, sauf de résister à la tentation de conduire le sanatorium de Battle Creek sur le chemin de la trahison par un développement excessif. S'étant avancé trop loin dans cette faute, toute une cascade de problèmes surgirent : concentration excessive de richesse, chute de la spiritualité, perte du contact personnel qui avait rendu les soins médicaux adventistes si efficaces.

Avec ce problème, arrivèrent des difficultés d'administration, des dettes, une crise financière. Le résultat était que l'œuvre médicale adventiste était en danger de devenir une des nombreuses organisations du monde, sans que rien ne puisse plus la distinguer des autres, en lutte compétitive avec les autres hôpitaux afin d'être mieux équipée, mieux gérée et de mieux réussir (dans le sens du monde).

C'était un scénario de cauchemar, surtout pour une Église qui considérait le ministère médical comme le bras droit du message, et Mme White essayait désespérément d'arrêter le problème avant qu'il n'aboutisse à un point de non-retour. Pendant des années, Ellen White avait correspondu avec le Dr. Kellogg, le suppliant de suspendre ses projets ambitieux pour Battle Creek et d'envoyer le surplus des fonds dans le champ mondial, paralysé par le besoin d'argent. En réponse, elle recevait d'étranges rapports disant que le sanatorium, par ses statuts, ne pouvait envoyer d'argent en dehors du Michigan.

C'était un argument ingénieux, superficiellement persuasif pour quiconque n'y voyait pas la manipulation prenant la loi comme prétexte. Mais c'était transparent pour Ellen White qui avait vu, avec un œil de prophète, la commission d'administration examinant minutieusement les documents et un petit homme, dans un complet blanc, assis calmement, la tête inclinée en arrière et les doigts tambourinant doucement les bras de son siège, pendant que les hommes de loi faisaient leur travail. « Ces sujets ont été présentés devant moi et ont rempli mon âme d'une vive angoisse » écrivait-elle, en 1898. « Je vis des hommes bras dessus, bras dessous avec les hommes de loi; mais Dieu n'était pas avec eux... Je suis chargée de dire à tous que vous ne marchez pas sous l'inspiration de Dieu. »

Ainsi, déjà en 1898, elle avait averti à propos de manipulations légales qui présentaient un danger pour l'œuvre médicale, et la justesse de son rapport est fascinante. Au cours de la même année, Kellogg avait adroitement modifié les statuts du sanatorium afin de permettre un jour, par vote, de le détacher de l'Église. En 1897, ses trente années de contrat, selon la loi en vigueur au Michigan, arrivaient à leur terme et le comité devait être dissous, des parts de succession vendues et une nouvelle association formée. C'était l'occasion rêvée pour introduire un changement et Kellogg n’y manqua pas.

Le 1er juillet 1898, les parts du sanatorium de Battle Creek furent vendues à un nouveau groupe dirigé par le Dr. Kellogg. Aussitôt, se forma un nouveau comité. Les parts de propriété, autrefois réservées aux Adventistes, étaient maintenant accessibles à quiconque voudrait signer un engagement pour le sanatorium de rester « non confessionnel, non sectaire et philanthropique ». Pour ceux qui protestèrent contre de telles mesures, Kellogg avait une réponse toute prête : c'était une simple formalité, disait-il, pour que la société jouisse des avantages des statuts de l'état, mais en réalité, le statut de la nouvelle société constituait un document à partir duquel rebondit l'hostilité des nouveaux sociétaires, et en 1906, les mâchoires du piège étaient bien visibles; au point de rupture avec l'Église, le Dr. Kellogg déclarait que les règlements de la société interdisaient toute activité de caractère « sectaire » ou « confessionnel »; et brusquement, il énonçait son grand rêve sur les berges de la rivière Kalamazoo : « La dénomination ne possède pas la propriété et ne la possédera jamais, car elle appartient au public. »

En 1898, les dirigeants de l'Église avaient accepté cette explication rassurante que Kellogg donnait d'un piège qui, un jour, allait leur coûter cher; mais soudainement Kellogg proposa une idée nouvelle : pourquoi ne pas rassembler, sous une unique direction centralisée, tous les sanatoria que l'église possédait en Amérique ? Chaque fois qu'on aurait organisé de nouveaux sanatoria, au lieu d'être des sociétés indépendantes, ils deviendraient des « associations auxiliaires », « reliés d'une façon inséparable » avec Battle Creek. Les propositions de Kellogg lui auraient effectivement donné le contrôle de l'œuvre médicale entière de l'Église.

Mme White reconnut immédiatement le danger. Consolider plusieurs institutions sous une direction unique, cela restreignait à peu de personnes le contrôle de l'œuvre médicale, et tout le système serait dépendant de la compétence (et de la spiritualité) de quelques dirigeants puissants. S'ils échouaient – s'ils dirigeaient mal ou s'ils perdaient leur discernement spirituel – tout le système en serait endommagé. Au lieu d'être la plus grande bénédiction de l'Adventisme, l'œuvre médicale pourrait devenir son problème majeur, c'est à dire l'échec sur une échelle colossale qui pourrait faire reculer l'œuvre d'une génération.

Ensemble avec d'autres dirigeants, elle s'était opposée avec vigueur à l'idée, mais bientôt il y eut des indices selon lesquels il était déjà trop tard. Les dangers contre lesquels elle avait averti depuis longtemps, avaient pris racine à Battle Creek. Le Sanatorium, avec ce qu'il représentait en valeur matérielle et en possibilités de travail, commençait déjà à attirer les gens en antagonisme avec Mme White et les dirigeants qui la soutenaient. Plusieurs d'entre eux étaient des hommes pleins de talents, instruits en théologie ou en médecine. L'un d'entre eux était un compositeur doué dont les hymnes avaient célébré le message adventiste.

Certains de ces dissidents dont le bruit courait qu'ils vivaient largement des finances du sanatorium, se concertèrent pour faire un ouvrage dénonçant Ellen White comme imposteur. Des personnes éminentes parlèrent avec une audace croissante d'une grande transformation dans l'Église, de nouvelles formes de structure, de nouveaux objectifs et d'une nouvelle mission. Pendant ce temps, peu à peu, sans que ce soit apparent, et protégés par la richesse de Battle Creek et la puissance de persuasion du Dr. Kellogg, les dissidents avançaient vers des buts encore soigneusement cachés aux yeux de tous, sauf à ceux de cette femme de 72 ans en Australie, qui vit en songe d'étranges assemblées et conférences nocturnes où un homme habillé de blanc agissait avec une puissance plus qu'humaine.

C'était ce problème qui pesait sur l'esprit d'Ellen White en ce matin de l'an nouveau, tandis que le soleil d'été brillait sur Cooranbourg. Le bras droit du message, si utile pour briser les préjugés et ouvrir les portes, se séparait irrémédiablement du corps de l'Église et de la pensée adventistes. Ellen White prit une feuille de papier, leva sa plume et commença à écrire au Président de la Conférence Générale, Georges Irwin : « Cher frère, sauvez le Dr. Kellogg de lui-même; il ne tient aucun compte des conseils donnés. »

1900 - Et l'opportunité d'achever l'œuvre de Dieu n'a jamais été plus éclatante. Pour une fois, le monde est presque entièrement en paix. Du Maine à Manille, de Paris à Canton, on peut aller presque partout avec l'Évangile et souvent sans passeport. Ayant soif d'un message de santé que beaucoup n'ont jamais entendu, les gens cherchent des exercices de plein air, et tenant compte de leur besoin de se rencontrer, se passionnent pour le cyclisme. Ceux qui peuvent aller à Battle Creek y viennent par milliers, tellement enthousiastes qu'ils ne voient pas ce qui se passe dans les coulisses, et qui a de quoi faire frémir, même si on ne sait pas tout.

Les anges, travaillant inlassablement, ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour préparer le monde au message du retour de Jésus. Le grand avertissement de la victoire en Jésus par la pluie de l'arrière-saison a été offert. Partout, des événements prophétiques sont en train de s'accomplir. Il est inconcevable qu'une telle opportunité ait pu être manquée et pourtant, c'est ainsi. Le sanatorium de Battle Creek suivait une voie de séparation d'avec l'Église à cause de ses fonds détournés et de ses statuts manipulés. À la Review and Herald, on acceptait d'imprimer pour le monde des textes d'un tel contenu qu'Ellen White redoutait même que ceux qui les composaient soient en danger. Les principes théologiques de l'Église commençaient à être mis en question par des idées peu orthodoxes qui menaçaient des vérités de base comme le sanctuaire céleste.

Désespérant de pouvoir protéger l'Église du danger, elle conseilla fortement aux parents adventistes de tenir leurs enfants éloignés de Battle Creek, où ils auraient pu « être imprégnés de pensées de nature à affaiblir leur confiance dans les pasteurs et dans le message ».

Nouvel An 1900. À Shangaï, les paquebots anglais se balancent paresseusement, ancrés à leur bouée d'amarrage, sur la rivière Huang-p'u, au langoureux soleil d'hiver. À Saint-Pétersbourg, la noblesse russe file, dans les brillants traîneaux rouges, le long des bancs de la Neva, puis se presse à la maison pour s'habiller pour le soir. Et à Berlin, le comte Alfred von Schlieffen sait déjà que quand la guerre arriverait, elle poignardera au travers de la molle et plate plaine de Belgique. Il le sait, car les plans étaient déjà faits.

Et dans les écrits de l'Église adventiste, une dernière offre désespérée est tentée pour faire reconnaître, avant qu'il ne soit trop tard, que « des agents humains se trouveront entraînés à mettre toute leur imagination pour inventer de puissantes machines pour blesser et tuer... Laissez les moyens et les hommes être dispersés pour représenter la vérité et donner l'avertissement dans les régions lointaines. »

Les derniers instants de lumière s'éloignent du peuple de Dieu, alors qu'il achète et vend des propriétés immobilières et ajoute de nouvelles constructions au sanatorium de Battle Creek, et il commence à jouer avec des doutes à l'apparence fascinante comme un feu d'artifice du 14 juillet. Bientôt, une lettre écrite par Ellen White peu de jours avant Noël atteindra le bureau du Dr. Kellogg : « Je vous écris comme une mère écrirait à son fils. Je vous aiderais si je le pouvais... J'irais vous voir si je le pouvais. Si vous acceptez les messages d'avertissement que je vous envoie, vous serez sauvé de grandes difficultés. » Ainsi tout est prêt. Comme Israël au Sinaï, le peuple de Dieu est à quelques semaines de voyage seulement de la Terre Promise.

C'est le temps pour le message du retour du Seigneur d'avancer comme un feu dans un champ de chaume.

C'est le temps de la contre attaque du diable.

C'est aussi le temps d'une apostasie appelée l'alpha.