Heureux ceux qui

Chapitre 4

Le vrai mobile de la vie chrétienne

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“Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus.”

Les paroles du Christ sur la montagne exposaient l’enseignement muet de sa vie, que le peuple avait jusqu’alors refusé de comprendre. Les Juifs ne pouvaient admettre que, possédant une si grande puissance, il négligeât de s’en servir pour obtenir ce qui leur paraissait être le bien suprême. Leurs mobiles, leurs principes et leurs voies étaient à l’opposé des siens. Apparemment jaloux de l’honneur de la loi, ils ne recherchaient en réalité que leur propre gloire et le Sauveur désirait précisément leur montrer que l’amour de soi était une transgression de la loi.

Mais les principes des pharisiens caractérisent l’humanité de tous les siècles. L’esprit pharisaïque est l’expression des instincts naturels de l’homme charnel et, en soulignant le contraste entre cet esprit, ces principes et les siens, le Sauveur s’adresse aux hommes de tous les temps.

À l’époque du Christ, les pharisiens cherchaient sans cesse à mériter les faveurs du ciel pour s’assurer les honneurs du monde et la prospérité qu’ils considéraient comme la récompense de la vertu. En même temps, ils faisaient parade de leur charité pour attirer l’attention du public et acquérir ainsi une réputation de sainteté. Jésus blâma leur ostentation, déclarant que Dieu n’avait point d’égard pour de telles pratiques et que la flatterie et l’admiration du peuple, qu’ils recherchaient avec tant d’ardeur, étaient la seule récompense qu’ils recevraient.

“Quand tu fais l’aumône, dit-il, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, afin que ton aumône se fasse en secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.”

Ces paroles de Jésus n’enseignent pas que tous les actes de charité doivent être tenus secrets. L’apôtre Paul, écrivant sous l’inspiration du Saint-Esprit, ne tut point le généreux sacrifice des chrétiens de Macédoine. Il raconta ce que la grâce du Sauveur avait accompli en eux, et d’autres se laissèrent enflammer par le même Esprit. Écrivant aussi à l’église de Corinthe, il dit: “Ce zèle de votre part a stimulé le plus grand nombre.” 2 Corinthiens 9:2.

Les paroles du Sauveur éclairent bien sa pensée. En exerçant la charité nous ne devons pas rechercher la louange et les honneurs des hommes. La véritable sainteté ne s’affiche pas. Ceux qui aiment les louanges et les flatteries et s’en nourrissent comme d’un mets rare ne sont chrétiens que de nom.

Que les bonnes œuvres des disciples du Christ glorifient celui par la grâce et la puissance duquel elles ont pu être faites, et non pas ceux qui n’en furent que les instruments. C’est par le Saint-Esprit que toute bonne œuvre est accomplie et l’Esprit est donné pour glorifier non pas celui qui reçoit, mais celui qui donne. Quand la lumière du Sauveur fait rayonner l’âme, les lèvres s’ouvrent pour des chants de louange et de reconnaissance envers Dieu. Nos pensées pas plus que nos conversations ne doivent avoir pour thème nos prières, l’accomplissement de notre devoir, notre générosité ou notre renoncement. C’est Jésus qui doit être exalté: l’égoïsme doit disparaître et alors Jésus sera tout en tous.

Nous devons donner de tout notre cœur, non pour faire étalage de nos bonnes actions, mais par pitié et par amour pour ceux qui souffrent. La sincérité et la vraie bonté sont des mobiles que le ciel approuve et Dieu considère comme plus précieux que l’or d’Ophir ceux dont l’amour est sincère et dont le cœur est tout entier à lui.

Nous ne devons pas avoir en vue une rémunération quelconque, mais penser uniquement à notre service. Tout acte de bienveillance, si désintéressé soit-il, n’en perdra pas pour cela sa récompense. “Et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra...” S’il est vrai que Dieu lui-même est la récompense suprême, celle qui embrasse toutes les autres, l’âme ne peut le recevoir et en jouir que dans la mesure où elle devient semblable à lui. Seuls les êtres semblables peuvent se reconnaître et s’estimer. C’est lorsque nous nous donnons à lui pour le service de l’humanité qu’à son tour Dieu se donne à nous.

Nul ne peut ouvrir son cœur au Seigneur et lui consacrer sa vie pour transmettre au monde les bénédictions qui lui sont destinées sans en être lui-même enrichi. Les collines et les vallons, qui offrent un lit aux cours d’eau descendant de la montagne pour leur permettre d’atteindre la mer, bénéficient largement de leur passage. Le ruisseau qui poursuit allégrement sa course laisse après lui verdure et fécondité. Sur ses rives, l’herbe est plus fraîche, les arbres plus verts et les fleurs plus abondantes. Lorsque, brutalement exposée à la chaleur brûlante du soleil d’été, la terre se dessèche, une ligne de verdure signale le passage de la rivière. Et la plaine, qui a ouvert son sein au fleuve venant d’amont, se trouve revêtue de fraîcheur et de beauté: symbole de la récompense que Dieu accorde à ceux qui consentent à devenir les canaux de sa grâce en faveur d’un monde perdu.

Telles sont les bénédictions accordées à ceux qui sont miséricordieux envers les pauvres. Le prophète Ésaïe dit: “Partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; si tu vois un homme nu, couvre-le, et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta lumière poindra comme l’aurore, et ta guérison germera promptement. [...] L’Éternel sera toujours ton guide, il rassasiera ton âme dans les lieux arides... Tu seras comme un jardin arrosé, comme une source dont les eaux ne tarissent pas.” Ésaïe 58:7-11.

L’exercice de la bienfaisance est doublement bénéfique. C’est une bénédiction pour les nécessiteux, mais le donateur est lui-même l’objet d’une grâce plus grande encore. Le Saint-Esprit agissant dans son cœur développe en lui un caractère désintéressé qui affine, ennoblit et enrichit toute sa vie. La charité pratiquée avec tact unit les cœurs et les rapproche de celui qui est la source de toute générosité. Les petites attentions, les humbles marques d’affection et d’abnégation, écloses aussi spontanément qu’une fleur donne son parfum, contribuent largement au bonheur et à l’utilité d’une existence. Il deviendra ainsi évident que le renoncement personnel en faveur du bien et du bonheur des autres, si incompris et méprisé soit-il ici-bas, est considéré au ciel comme une preuve de notre communion avec le Roi de gloire qui, de riche qu’il était, s’est fait pauvre par amour pour nous.

Le bien peut avoir été accompli dans le secret; son influence sur le caractère de celui qui l’aura exercé ne pourra rester cachée. Si, comme disciple du Christ, nous nous consacrons sans réserve à notre tâche, notre cœur sera en étroite communion avec le Seigneur qui, par son divin contact, et l’action de son Esprit en nous, fera vibrer dans notre âme de saintes harmonies.

Dieu multiplie les talents de ceux qui ont fait un usage judicieux des biens qu’il leur a confiés. Il se plaît à reconnaître les œuvres de son peuple resté fidèle à son Fils bien-aimé, par la force et la grâce duquel elles ont été accomplies. Ceux qui ont recherché le développement et la perfection du caractère chrétien en faisant servir leurs facultés à l’exercice de la bienfaisance recevront leur récompense dans le monde à venir, car l’œuvre commencée ici-bas ne s’achèvera que dans la vie future, parfaite et éternelle.

“Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites.”

Les pharisiens avaient fixé des heures pour la prière et, lorsqu’ils étaient en chemin à ces moments-là, comme c’était souvent le cas, ils s’arrêtaient où ils se trouvaient, parfois dans la rue ou sur une place publique au milieu de la foule, et se mettaient à réciter à haute voix leurs vaines formules. Jésus ne pouvait que blâmer sans pitié un tel culte offert dans le seul but d’une glorification personnelle. Mais il ne réprouvait pas la prière publique puisque lui-même priait souvent avec ses disciples en présence de la multitude. Il voulait montrer que les requêtes intimes ne devaient pas être prononcées en public mais monter vers Dieu dans le secret du cœur, à l’abri de toute oreille indiscrète.

“Quand tu pries, entre dans ta chambre.” Réservons-nous une place pour la prière secrète. Jésus avait choisi plusieurs endroits où il se retirait pour communier avec son Père, faisons de même. Nous avons souvent besoin de nous recueillir dans quelque lieu si humble qu’il soit, où nous puissions nous rencontrer seuls avec Dieu.

“Prie ton Père qui est là dans le lieu secret.” Au nom de Jésus, nous pouvons nous présenter devant Dieu avec la confiance d’un enfant. Nous n’avons besoin d’aucun homme comme médiateur. Par Jésus, nous pouvons ouvrir nos cœurs à Dieu comme à quelqu’un qui nous connaît et qui nous aime.

Dans le lieu secret, là où aucun autre œil que celui de Dieu ne peut nous voir, où aucune autre oreille que la sienne ne peut nous entendre, nous pouvons sans crainte exprimer au Père de toutes les miséricordes nos besoins et nos désirs les plus cachés; alors dans la paix et le silence nos cœurs entendront la voix qui ne manque jamais de répondre au cri de la détresse humaine.

“Le Seigneur est plein de miséricorde et de compassion.” Jacques 5:11. Son amour inlassable attend la confession de l’âme égarée et l’expression de son repentir. Il se réjouit autant du moindre signe de reconnaissance de notre part que la mère du sourire de gratitude de son enfant. Il désire que nous comprenions avec quelle ardeur et quelle tendresse son cœur nous cherche. Il nous invite à nous confier, dans nos épreuves à sa commisération, dans nos chagrins à son amour, dans nos blessures à la guérison qu’il apporte, dans notre faiblesse à sa force, dans notre néant à sa plénitude. Il n’a jamais trompé l’attente de celui qui vient à lui. “Quand on tourne vers lui les regards, on est rayonnant de joie et le visage ne se couvre pas de honte.” Psaumes 34:6.

Ceux qui, dans le secret de leur cœur, recherchent Dieu, lui confient leurs besoins et font appel à son secours, ne le prient pas en vain. “Ton Père qui voit dans le secret te le rendra.” Quand nous ferons du Christ le compagnon de notre vie, nous sentirons autour de nous la puissance d’un monde invisible et en regardant à lui nous lui ressemblerons. Par la contemplation nous serons transformés, notre caractère s’adoucira, s’affinera et s’ennoblira pour le royaume céleste. Notre communion avec le Sauveur augmentera notre piété, notre pureté, notre ferveur et notre sens de la prière. Cette éducation divine se manifestera par une vie de zèle et d’activité.

L’âme qui, par la prière quotidienne et sincère, attend de Dieu secours, patience et puissance, acquerra de nobles aspirations, et un sens plus clair de la vérité et du devoir. Des mobiles plus élevés l’animeront et elle éprouvera une soif et une faim continuelles de justice. Par une communion constante avec le ciel nous pourrons communiquer à ceux avec lesquels nous vivons la lumière, la paix et la sérénité qui règnent dans notre cœur. La force puisée dans la prière, jointe aux efforts persévérants de notre esprit pour rester vigilant et recueilli, rend aisé l’accomplissement des devoirs quotidiens et sauvegarde notre paix.

Si nous nous approchons de Dieu, il mettra ses louanges sur nos lèvres. Il nous enseignera le chant des anges qui est un cantique de reconnaissance à notre Père céleste. Il nous suggérera quelque bonne parole à dire à son honneur. Et tous nos actes révéleront la lumière et l’amour du Sauveur qui demeure en nous. Les agitations du dehors ne pourront pas troubler la vie qui s’accomplit dans la foi au Fils de Dieu.

“En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens.”

Les païens prétendaient que leurs prières possédaient une vertu expiatoire. C’est pourquoi, plus la prière était longue, plus elle était méritoire. Si leurs propres efforts avaient pu les conduire à la sainteté, ils auraient eu lieu de se réjouir et de s’enorgueillir. Cette conception de la prière découle du principe erroné de l’expiation personnelle qui se trouve à la base de toutes les fausses religions. Les pharisiens l’avaient adopté et il est loin d’avoir disparu de certains milieux qui se disent chrétiens. Répéter des formules, des phrases toutes faites alors que le cœur n’éprouve aucun besoin de Dieu, cela revient à “multiplier les vaines paroles” des païens.

La prière n’est pas une expiation du péché. Elle ne possède aucune vertu ni aucun mérite en elle-même. Les expressions les plus fleuries de notre vocabulaire ne valent pas un seul désir de sainteté. Les prières les plus éloquentes ne sont que des paroles vides si elles n’expriment pas les véritables sentiments intérieurs. Mais la prière qui jaillit d’un cœur sincère, exprimant simplement les besoins de notre âme — comme on demande une faveur à son ami, sachant qu’elle nous sera accordée — voilà la prière de la foi. Dieu ne nous demande pas des formules protocolaires, mais l’appel inexprimé d’un cœur brisé et soumis, conscient de son péché et de sa complète impuissance, appel qui arrive directement jusqu’au trône du Père de toutes les compassions.

“Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites.”

Le jeûne prescrit par la Parole de Dieu est plus qu’une forme. Il ne consiste pas simplement à se priver de nourriture, ou à prendre le sac et la cendre. Celui qui jeûne vraiment le fait dans un profond sentiment de culpabilité, et en secret.

Le but du jeûne que l’Éternel nous invite à pratiquer n’est pas d’affliger le corps pour expier le péché de l’âme, mais de nous aider à comprendre le caractère odieux du péché tout en nous mettant à même de recevoir pardon et grâce. L’ordre donné à Israël était: “Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, et revenez à l’Éternel, votre Dieu.” Joël 2:13.

Nous ne gagnerons rien à faire pénitence ou à nous persuader que, par nos propres œuvres, nous pouvons nous assurer un héritage avec les saints. Quand les disciples de Jésus lui demandèrent: “Que devons-nous faire, pour faire les œuvres de Dieu?” il leur répondit: “L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé.” Jean 6:28, 29.

Se repentir — traduit aussi: se convertir — c’est se détourner de soi pour regarder au Sauveur. Nous produirons de bonnes œuvres lorsque nous aurons reçu le Christ par la foi de telle sorte qu’il puisse vivre en nous.

Jésus dit encore: “Quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret.” Matthieu 6:17, 18. Tout ce qui est destiné à glorifier Dieu doit être fait d’un cœur joyeux, sans tristesse ni mélancolie. Il n’y a rien de sombre dans la religion de Jésus. Si par leur attitude morose les chrétiens donnent l’impression que le Seigneur les a déçus, ils dénaturent le caractère du Christ et placent des arguments dans la bouche de ses ennemis. Bien que leurs lèvres déclarent que Dieu est leur Père, leur tristesse les dément et leur donne, aux yeux du monde, l’apparence d’orphelins.

Jésus nous demande de montrer que la vie à son service est réellement attrayante. Confiez au Sauveur compatissant vos renoncements personnels et vos chagrins secrets. Déposez vos fardeaux au pied de la croix et poursuivez votre route, vous réjouissant dans l’amour de celui qui vous a aimés le premier. L’œuvre qui s’accomplit secrètement entre l’âme et Dieu restera ignorée des hommes, mais ses effets, bientôt, éclateront au grand jour. Car, est-il dit, celui “qui voit dans le secret, te le rendra”.

“Ne vous amassez pas des trésors sur la terre.”

“Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.” Les trésors amassés sur la terre accaparent l’esprit au détriment des choses spirituelles; ils passeront; les voleurs percent et dérobent; la teigne dévore et la rouille ronge; le feu et les tempêtes dispersent et anéantissent.

L’amour de l’argent était la passion dominante à l’époque des Juifs. La mondanité avait usurpé dans les cœurs la place de Dieu et de la religion. Il en est de même aujourd’hui. La cupidité exerce une telle fascination et un tel envoûtement qu’elle pervertit et anéantit dans l’homme tout sentiment de noblesse et d’humanité jusqu’à l’amener à la perdition. Au service de Satan, on ne s’attire que soucis, perplexités, labeur épuisant et pourtant ces trésors que les hommes cherchent à accumuler sur la terre ne durent qu’un temps. Jésus a dit: “Amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.” De tous nos biens, ceux-là seuls sont vraiment à nous. Les trésors amassés dans le ciel sont impérissables. Le feu et l’eau ne peuvent les anéantir, ni les voleurs les dérober, ni la teigne et la rouille les détruire parce qu’ils sont sous la garde de Dieu.

Ces trésors, que Dieu considère comme étant plus précieux que tous les autres biens, sont “la richesse de la gloire de son héritage qu’il réserve aux saints”. Ephésiens 1:18. Les disciples du Christ sont appelés ses joyaux, son trésor particulier d’une valeur inestimable. Il les appelle les “pierres d’un diadème”. Zacharie 9:16. “Je rendrai les hommes plus rares que l’or fin, je les rendrai plus rares que l’or d’Ophir.” Ésaïe 13:12. Contemplant son peuple dans sa pureté et sa perfection, il le considère comme la récompense de toutes ses souffrances, de son humiliation et de son amour, et le complément de sa gloire.

C’est ainsi que nous pouvons nous unir à Jésus dans sa grande œuvre de rédemption et avoir part, avec lui, aux richesses que sa mort et ses souffrances nous ont acquises. Écrivant aux chrétiens de Thessalonique, l’apôtre Paul disait: “Qui est, en effet, notre espérance, ou notre joie, ou notre couronne de gloire? N’est-ce pas vous aussi, devant notre Seigneur Jésus, lors de son avènement? Oui, vous êtes notre gloire et notre joie.” 1 Thessaloniciens 2:19, 20. Voilà le trésor pour lequel Jésus nous demande de travailler. Le fruit réel de notre vie, c’est notre caractère. Toute parole, toute action qui, par la grâce du Seigneur, fait naître dans une âme une aspiration vers les choses du ciel, le moindre effort tenté dans le but de former un caractère semblable à celui du Christ constituent une partie des trésors que nous amassons dans le ciel.

“Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.” Tout ce que nous faisons pour notre prochain contribue à notre bien. Quiconque donne son argent ou son temps pour la proclamation de l’Évangile s’intéressera à cette œuvre ainsi qu’aux âmes qu’elle peut gagner, et il priera pour elles. Il se sentira attiré vers ses semblables et ressentira un besoin croissant de se consacrer toujours plus à Dieu pour devenir capable de leur faire toujours plus de bien.

Et, au dernier jour, quand les richesses de la terre auront disparu, celui qui se sera amassé des trésors dans le ciel pourra contempler ce que sa vie lui aura permis d’acquérir. Si nous avons pris garde aux paroles du Christ, lorsque nous nous assemblerons autour du grand trône blanc, nous verrons ceux qui auront été sauvés par notre moyen, et nous apprendrons que telle âme sauvée en a sauvé une autre, et celle-ci d’autres encore. Nombreux seront ceux qui, grâce à nos efforts, entreront au port, jetteront leur couronne aux pieds de Jésus et chanteront ses louanges pendant l’éternité. Avec quelle joie les ouvriers du Christ contempleront les rachetés qui auront part à la gloire du Rédempteur! Que le ciel sera précieux à ceux qui auront travaillé fidèlement au salut des âmes! “Si donc vous êtes ressuscités avec Christ, cherchez les choses d’en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu.” Colossiens 3:1.

“Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé.”

Ces paroles du Sauveur montrent que la pureté des mobiles et une consécration absolue sont essentielles. Si nos intentions sont pures et si nous sommes sans défaillance dans notre recherche de la vérité afin d’y obéir coûte que coûte, nous recevrons la lumière d’en haut. La piété véritable commence lorsque cessent les compromis avec le péché. Le cœur dit alors avec l’apôtre Paul: “Je fais une chose: oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ.” Philippiens 3:13, 14.

Quand l’amour de soi obscurcit la vue, l’être tout entier est dans les ténèbres. “Si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres.” C’étaient là les ténèbres effrayantes qui enveloppaient les Juifs dans leur incrédulité obstinée, les empêchant d’apprécier le caractère et la mission de celui qui était venu les sauver de leurs péchés.

Nous cédons à la tentation dès que nous sommes irrésolus et inconstants dans notre confiance en Dieu. Nous sommes dans les ténèbres lorsque nous ne décidons pas de nous consacrer entièrement à Dieu. La moindre réserve de notre part ouvre une porte par laquelle Satan peut entrer et nous séduire. Il sait que s’il peut obscurcir notre vision, cachant Dieu à l’œil de la foi, toute barrière cédera devant le péché.

La puissance d’un mauvais désir dévoile l’égarement de notre âme. Tout assouvissement de ce désir augmente notre aversion pour Dieu. À mesure que nous avançons dans le sentier du malin les ombres nous environnent; chaque pas nous enfonce dans des ténèbres plus épaisses et augmente la cécité de notre cœur.

Il en est du monde spirituel comme du monde naturel. Celui qui persiste à se tenir dans l’obscurité finira par perdre la vue. Il est prisonnier d’une ombre plus épaisse que celle de la nuit et le soleil le plus éclatant ne peut pénétrer jusqu’à lui. “Il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux.” 1 Jean 2:11. C’est en persistant à aimer le mal, en prêtant obstinément une oreille indifférente aux appels de l’amour divin que le pécheur perd le désir de bien faire, de posséder Dieu, et en même temps la faculté de recevoir la lumière du ciel. L’appel de la miséricorde est encore empreint d’amour, la lumière brille avec autant d’éclat qu’au jour où elle s’est révélée à l’âme pour la première fois; mais la voix frappe des oreilles sourdes et la lumière éclaire des yeux aveugles.

Tant qu’un espoir de salut demeure, Dieu n’abandonne pas une âme à elle-même. Ce n’est pas lui qui se détourne de l’homme, mais l’homme qui se détourne de lui. Notre Père céleste nous poursuit de ses appels, de ses avertissements, de l’assurance de sa compassion jusqu’à ce que tout espoir soit vain. Le pécheur seul est responsable. En résistant au Saint-Esprit aujourd’hui, il s’expose à repousser plus tard la lumière lorsqu’elle lui sera envoyée avec une puissance plus grande encore. C’est ainsi que, passant d’un degré de résistance à un autre, il deviendra incapable de voir clair et d’entendre les appels de l’Esprit de Dieu. Alors, la lumière même qui était en lui sera devenue ténèbres; la vérité qu’on a connue sera faussée et servira même à augmenter l’aveuglement de l’âme.

“Nul ne peut servir deux maîtres.”

Le Sauveur ne dit pas que personne ne veut ou ne voudra servir deux maîtres, mais il affirme que cela est impossible. Les intérêts de Dieu et les intérêts de Mammon n’ont rien de commun entre eux ni rien qui puisse les rapprocher. Là où la conscience du chrétien l’exhorte à s’abstenir, à renoncer, à s’arrêter, celle du mondain, franchissant l’obstacle, le pousse à satisfaire ses inclinations égoïstes. D’un côté du mur se trouve le disciple du Christ, avec ses renoncements, son abnégation; de l’autre côté se trouve le mondain, égoïstement satisfait, complaisant à l’égard de la mode frivole et se délectant dans les plaisirs défendus. À aucun prix, le chrétien ne doit passer de ce côté du mur.

Nul ne peut demeurer neutre; il n’existe pas de catégorie moyenne englobant ceux qui décident de ne servir ni Dieu, ni l’ennemi de la justice. Le Christ doit demeurer en ses disciples et agir par le moyen de leurs facultés et de leurs talents. Leur volonté doit être soumise à sa volonté; ils doivent être inspirés par son Esprit. Alors ce n’est plus eux qui vivent, mais lui qui vit en eux. Celui qui ne se donne pas à Dieu sans réserve se place sous le contrôle d’une autre puissance; il écoute une autre voix dont les suggestions sont d’un caractère absolument différent. Une obéissance partagée place l’homme du côté de l’ennemi et en fait un allié précieux de l’armée des ténèbres. Lorsque des hommes qui prétendent être des soldats du Christ entrent dans les rangs de Satan, travaillent à ses côtés, ils prouvent qu’ils sont les ennemis de Jésus. Ils trahissent des intérêts sacrés. Ils deviennent, entre Satan et les troupes fidèles, un trait d’union permettant à l’ennemi de gagner à sa cause les soldats du Christ.

Ce qui constitue la plus grande force du mal en ce monde, ce n’est pas la conduite des gens corrompus, mais bien la vie de ceux qui, en apparence vertueux, honorables et nobles, entretiennent cependant un vice caché. Pour l’âme qui, en secret, luttant contre quelque grande tentation, tremble au bord même du précipice, un tel exemple est le plus puissant appel au péché. Celui qui, doté d’une conception élevée de la vie, de la vérité et de l’honneur, transgresse en connaissance de cause un seul précepte de la sainte loi de Dieu, devient par ses nobles dons un piège pour ses semblables. Le génie, le talent, la sympathie et même des œuvres de bonté et de générosité peuvent devenir des rabatteurs de Satan qui entraîneront des âmes dans la ruine, présente et éternelle.

“N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie, ne vient pas du Père, mais vient du monde.” 1 Jean 2:15, 16.

“Ne vous inquiétez pas.”

Celui qui vous a donné la vie sait que vous avez besoin de nourriture. Celui qui a formé votre corps sait que des vêtements vous sont nécessaires. Celui qui vous a fait don du Bien Suprême ne vous accordera-t-il pas tout ce qu’il faudra pour rendre ce don plus complet?

Sur la montagne, Jésus attira l’attention de ses auditeurs sur les oiseaux qui, libres de soucis, faisaient retentir leurs chants joyeux. “Ils ne sèment ni ne moissonnent [...] et votre Père céleste les nourrit.” “Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux?” nous demande-t-il.

Humides encore de la rosée du matin, les fleurs égayaient collines et prairies; Jésus les leur montra et dit: “Considérez comment croissent les lis des champs.” L’art des hommes peut chercher à imiter la grâce des plantes et des fleurs ainsi que leurs coloris délicats, mais où est celui qui donnera la vie à la moindre fleur ou au plus petit brin d’herbe? Le buisson fleuri au bord de la route doit son existence à la puissance même qui a placé dans les cieux la multitude des astres. Toute la création palpite de la vie qui a sa source dans le cœur magnanime de Dieu, dont la main a revêtu les fleurs des champs avec plus de somptuosité qu’aucun roi de la terre n’en connut jamais. “Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtirat-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi?” Matthieu 6:30.

Celui qui a créé les fleurs et qui a donné son chant au passereau dit aussi: “Considérez comment croissent les lis”, “regardez les oiseaux”. Mieux que les savants, la beauté de la nature saura nous enseigner la sagesse de Dieu. Sur les pétales des lis, Dieu a tracé pour nous un message que notre cœur comprendra dans la mesure où il oubliera la méfiance, l’égoïsme et les soucis dévorants. Pourquoi, dans l’amour débordant de son cœur de Père, Dieu nous a-t-il donné le chant des oiseaux ou la grâce des fleurs sinon pour éclairer et égayer notre vie? Même s’il n’y avait ni fleurs ni oiseaux nous posséderions tout ce qui est nécessaire à notre existence; mais Dieu ne s’est pas contenté de nous donner seulement l’indispensable. La beauté des choses créées n’est qu’un faible rayon de l’éclat de sa gloire. S’il a répandu à profusion tant d’art et de magnificence dans la nature pour notre bonheur et notre joie, comment pouvons-nous douter qu’il nous accordera aussi les biens qui nous seront nécessaires?

“Considérez comment croissent les lis.” Chaque fleur qui ouvre ses pétales à la lumière du soleil obéit à la grande loi qui régit les astres, et comme sa vie est simple, belle et douce! Par elle, Dieu attire notre attention sur la grâce et l’amabilité qui doivent caractériser le chrétien. Celui qui pare les fleurs de tant de beauté désire bien plus encore que les âmes soient revêtues des perfections du Christ.

Jésus nous invite à considérer comment croissent les lis des champs. Sortis de la terre froide et sombre, ils répandent leur grâce et leur parfum. En voyant le bulbe qui le produit, qui pourrait soupçonner la future perfection du lis? Mais, quand la vie de Dieu, qui est cachée dans son cœur, répond à l’appel de la pluie et du soleil, il donne aux hommes une vision de grâce et de beauté qui les émerveille. Il en est de même de la vie que le Seigneur répand dans toute âme humaine qui s’abandonne au ministère de sa grâce. Comme la pluie et le soleil, elle dispense à tous ses bienfaits. C’est la parole du Seigneur qui fait éclore les fleurs, c’est cette même parole qui produit en nous les grâces de son Esprit.

La loi de Dieu est une loi d’amour. Il nous a entourés de beauté pour nous enseigner que nous ne sommes pas sur la terre uniquement pour bêcher, planter, construire, scier et filer, mais pour apporter, comme les fleurs, de la joie et de la lumière, avec l’amour du Christ, dans la vie de ceux qui nous entourent.

Parents, apprenez à vos enfants cette leçon des fleurs. Emmenez-les dans les jardins, dans les champs et sous les arbres couverts de feuilles, enseignez-leur à lire dans la nature le message de l’amour de Dieu. Que la pensée de Dieu soit unie à celle des oiseaux, des fleurs et des arbres. Que les enfants apprennent à contempler dans toute la création une expression de la sollicitude de Dieu pour eux. Rendez votre religion attrayante aux yeux de vos enfants et montrez-leur cette loi de bonté répandue tout autour de nous.

Dites à vos enfants que, par son amour, Dieu peut transformer leur nature afin qu’elle s’accorde avec la sienne; qu’il désire voir s’épanouir dans leur vie la grâce et la beauté des fleurs. Et, tandis qu’ils en cueillent les douces corolles, rappelez-leur que celui qui les a créées resplendit d’une beauté plus grande encore. Alors ils s’atacheront à Dieu de toutes les fibres de leur cœur. Celui “dont la personne est pleine de charme” deviendra leur compagnon de chaque jour, leur ami intime, et leur vie transformée sera aussi pure que la sienne.

“Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu.”

La foule qui écoutait Jésus attendait toujours une allusion à son royaume terrestre. Tandis qu’il ouvrait devant eux les trésors du ciel, la question suprême qui se posait dans beaucoup d’esprits était: Jusqu’à quel point nos rapports avec lui favoriseront-ils nos projets d’avenir? Jésus leur montra qu’en faisant des choses de la terre leur premier souci, ils ressemblaient aux païens qui les entouraient et qui vivaient comme si Dieu ne veillait pas avec tendresse sur toutes ses créatures.

“Toutes ces choses, dit Jésus, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par-dessus.” Matthieu 6:33. Le royaume que je viens établir au milieu de vous est un royaume d’amour, de justice et de paix. Ouvrez votre cœur pour le recevoir et que la chose la plus importante de votre vie soit de servir fidèlement votre Maître. Quoique son royaume soit spirituel, ne craignez pas qu’il reste sourd à vos besoins temporels. Si vous vous consacrez au service de Dieu, celui qui possède toute puissance dans les cieux et sur la terre prendra soin de vous.

Le Christ ne nous dispense pas de l’effort, mais il nous enseigne à lui donner la première, la dernière et la meilleure place dans notre existence. Nous ne devons entreprendre aucun travail, ne poursuivre aucun effort, ne rechercher aucun plaisir qui pourrait contrarier son influence sur notre caractère ou sur notre vie. Tout ce que nous faisons doit être fait de bon cœur, comme pour le Seigneur.

Pendant son séjour ici-bas, Jésus ennoblit chaque détail de la vie en rappelant sans cesse aux hommes la gloire de Dieu et en subordonnant tout à la volonté de son Père. Nous pouvons être assurés, si nous suivons ses traces, que toutes les choses dont nous avons besoin nous “seront données par-dessus”. Pauvreté ou richesse, maladie ou santé, la promesse de sa grâce pourvoit à tout.

L’amour éternel de Dieu entoure l’âme qui attend de lui son secours. Les collines et leurs parures précieuses disparaîtront, mais l’âme qui vit pour Dieu demeurera éternellement. “Le monde passe, et sa convoitise aussi; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement.” 1 Jean 2:17. La cité de Dieu ouvrira ses portes d’or pour accueillir celui qui, sur la terre, aura appris à recevoir d’en haut la sagesse, la consolation, l’espérance et se laissera guider par lui au milieu des afflictions. Les chants des anges l’accueilleront et l’arbre de vie donnera pour lui son fruit. “Quand les montagnes s’éloigneraient, quand les collines chancelleraient, mon amour ne s’éloignera pas de toi, et mon alliance de paix ne chancellera pas, dit l’Éternel, qui a compassion de toi.” Ésaïe 54:10.

“Ne vous inquiétez donc pas du lendemain... À chaque jour suffit sa peine.”

Si vous vous êtes consacré au service de Dieu, inutile de vous inquiéter du lendemain. Celui dont vous êtes le serviteur connaît la fin dès le commencement. Les événements de demain, invisibles à nos yeux, sont présents à ceux du Tout-Puissant.

Lorsque nous prenons en main la direction de nos affaires personnelles, comptant sur notre propre sagesse pour réussir, et cherchons à les porter sans son aide, nous nous chargeons d’un fardeau que Dieu ne nous destinait pas. Nous nous mettons ainsi à sa place et endossons la responsabilité qui lui incombe. C’est alors que nous pouvons nous inquiéter sérieusement et appréhender ennuis et pertes, car ils viendront certainement. Mais si nous croyons vraiment que Dieu nous aime et qu’il désire notre bien, nous cesserons de nous agiter au sujet de l’avenir. Nous nous abandonnerons à lui comme un enfant s’abandonne à son père qui l’aime. Nos soucis et nos tourments s’évanouiront alors car nos désirs devenus conformes à la volonté de Dieu se confondront avec elle.

Jésus ne nous a pas promis de nous aider aujourd’hui à porter les fardeaux de demain. Il a dit: “Ma grâce te suffit.” 2 Corinthiens 12:9. Mais, comme la manne dans le désert, sa grâce nous est donnée chaque jour pour les besoins de la journée. Comme la multitude d’Israël pendant sa vie nomade, nous pouvons compter jour après jour sur le pain qui nous est nécessaire.

Dieu ne nous donne qu’un jour à la fois, pendant lequel nous devons vivre pour lui. C’est pour ce jour-là que nous devons soumettre au Sauveur nos projets et nos besoins en vue d’un service fidèle, nous déchargeant sur lui de tous nos soucis car il prend soin de nous. “Je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l’espérance.” Jérémie 29:11. “C’est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, c’est dans le calme et la confiance que sera votre force.” Ésaïe 30:15.

Si vous attendez du Seigneur une conversion journalière, si, de vous-même, vous aspirez à la liberté et à la joie qui résident en Dieu, si, répondant à l’appel de sa grâce, vous acceptez de porter le joug de l’obéissance et du service, alors tous vos murmures cesseront, vos difficultés seront aplanies, et les problèmes angoissants qui vous tourmentaient trouveront leur solution.