Heureux ceux qui

Chapitre 3

La spiritualité de la loi

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“Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir.”

Ce fut Jésus-Christ lui-même qui proclama la loi de Dieu du haut des rochers formidables et enflammés du Sinaï, au milieu des grondements du tonnerre. Le sommet de la montagne, ébranlée tout entière par la présence de l’Éternel, était enveloppé du feu de la gloire de Dieu. Saisies d’une sainte terreur, prosternées le visage contre terre, les armées d’Israël entendaient énoncer les préceptes sacrés de la loi. Quel contraste entre cette scène et celle du Sermon sur la montagne!

C’est en effet sous un ciel d’été et dans un silence à peine troublé par le chant des oiseaux que Jésus exposa avec tant d’amour les règles de son royaume, à savoir les principes mêmes de la loi du Sinaï.

Lors de la scène du mont Sinaï, Israël, dégradé par un long esclavage en Égypte, avait grand besoin d’être pénétré de la puissance et de la majesté divines; Dieu pourtant se révéla à lui comme un Dieu d’amour.

L’Éternel est venu de Sinaï,
Il s’est levé sur eux de Séir,
Il a resplendi de la montagne de Paran,
Et il est sorti du milieu des saintes myriades:
Il leur a, de sa droite, envoyé le feu de la loi.
Oui, il aime les peuples;
Tous ses saints sont dans ta main.
Ils se sont tenus à tes pieds,
Ils ont reçu tes paroles.
Deutéronome 33:2, 3.
Voici en quelles paroles, héritage inoubliable et séculaire, Dieu montra sa gloire à Moïse: “L’Éternel, l’Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu’à mille générations, qui pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché.” Exode 34:6, 7.

La loi du Sinaï était l’énoncé du principe de l’amour. Elle révélait à la terre la loi du Ciel. Elle fut confiée à un Médiateur dont la divine puissance amènerait les hommes à aimer ses exigences. Dieu en avait indiqué le but à Israël par ces paroles: “Vous serez pour moi des hommes saints.” Exode 22:31.

Mais Israël n’avait pas saisi le caractère spirituel de la loi et trop souvent son obéissance n’était que formalisme, et non élan du cœur. Dans son caractère et dans sa vie, Jésus refléta les attributs de Dieu: la sainteté, la bienveillance, l’amour paternel. Il soulignait l’inutilité d’une obéissance purement extérieure. Mais les chefs juifs, qui ne comprenaient pas ses paroles, l’accusèrent de considérer avec trop de légèreté les exigences de la loi. Et, quand il leur présenta les vérités fondamentales de l’obéissance demandée par Dieu, aveuglés par les formes, ils l’accusèrent de chercher à annuler la loi.

Quoique prononcées avec calme, les paroles de Jésus étaient empreintes d’une fermeté et d’une puissance qui touchaient les cœurs. Les pharisiens s’attendaient à l’entendre parler des traditions des rabbins et de leurs ordonnances; mais il n’en fit rien, et “ils étaient frappés de sa doctrine; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes”. Matthieu 7:29. Ils sentirent la différence considérable qui existait entre leur enseignement et le sien. Ils virent que la majesté, la pureté et la beauté de la vérité, ainsi que sa profonde et douce influence, s’emparaient de nombreux esprits et que l’amour et la tendresse du Sauveur lui gagnaient tous les cœurs. Les rabbins comprirent que sa doctrine allait anéantir leur enseignement en renversant le mur qui les séparait du peuple et qui flattait tant leur orgueil et leur exclusivisme. Aussi, redoutant qu’il n’attirât tous les hommes à lui si on ne l’en empêchait, devenant nettement hostiles, ils guettèrent l’occasion de le décrier aux yeux du peuple et permirent ainsi au Sanhédrin de le condamner à mort.

Des espions observaient attentivement Jésus tandis que, sur la montagne, il exposait les principes de la justice. Encouragés par les pharisiens, certains parmi le peuple murmuraient que son enseignement s’opposait aux préceptes que Dieu avait donnés au Sinaï. Accusation gratuite, car rien dans les paroles du Sauveur ne pouvait jeter le moindre doute dans l’esprit de ses auditeurs sur les institutions qu’il avait lui-même données à Moïse. Mais, comme cette pensée agite bien des cœurs, Jésus va faire une déclaration indiquant nettement son attitude à l’égard des préceptes divins: “Ne croyez pas, proclame-t-il, que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes.”

C’est le Créateur des hommes, l’Auteur même de la loi, qui déclare qu’il n’a pas l’intention d’abolir ses commandements. Dans la nature, tout, depuis le grain de poussière qui danse dans le rayon de soleil, jusqu’aux mondes qui nous entourent, tout est soumis à des lois. L’ordre et l’harmonie de l’univers sont fondés sur elles. Sa vie et son bien-être dépendent de la soumission des êtres intelligents aux principes de justice qui règlent leur existence à tous. La loi de Dieu existait bien avant la création du monde. Les anges sont gouvernés par elle et, pour que l’harmonie règne entre le ciel et la terre, l’homme doit, lui aussi, obéir aux ordres de Dieu. Dans le jardin d’Éden, “alors que les étoiles du matin éclataient en chants d’allégresse, et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie” (Job 38:7), le Christ avait fait connaître à Adam les principes de sa loi; donc sa mission terrestre ne pouvait pas consister à détruire cette loi; au contraire, il venait rendre l’homme capable de s’y soumettre.

Le disciple bien-aimé, qui entendit les paroles de Jésus sur la montagne et qui, fort longtemps après, écrivit sous l’inspiration du Saint-Esprit, parle de la loi comme devant être observée perpétuellement. “Le péché, dit-il, est la transgression de la loi” et “quiconque pèche transgresse la loi”. 1 Jean 3:4. Il montre clairement que la loi dont il s’agit est “un commandement ancien” (1 Jean 2:7) qui existait dès le commencement, avant la création, et qui fut répété plus tard sur le Sinaï.

Parlant de cette loi, Jésus déclare: “Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir.” Le mot “accomplir” qui se trouve ici a le même sens que dans les Paroles de Jésus à Jean-Baptiste: “Il est convenable que nous accomplissions tout ce qui est juste” (Matthieu 3:15), c’est-à-dire: il est convenable que nous répondions aux exigences de la loi en donnant un exemple de soumission parfaite à la volonté de Dieu.

Sa mission était de montrer la magnificence de cette loi et d’en dégager la spiritualité; de la faire respecter et d’en présenter l’étendue ainsi que les exigences éternelles.

La divine beauté du caractère de Jésus reflète celui du Père et l’éclat de sa gloire. Les hommes les plus réputés pour leur douceur, leur bonté ou leur grandeur d’âme ne peuvent donner qu’une très faible image du Rédempteur dont Salomon, sous l’inspiration de l’Esprit, disait: “Il se distingue entre dix mille. [...] Toute sa personne est pleine de charme” (Cantique des cantiques 5:10, 16); et de qui David en vision déclarait prophétiquement: “Tu es le plus beau des fils de l’homme.” Psaumes 45:3. Rempli d’abnégation pendant son pèlerinage d’amour sur la terre, il a été une illustration vivante du caractère de la loi de Dieu. Il a manifesté dans sa vie l’amour et les principes divins qui sont à la base des lois de la justice éternelle.

“Tant que le ciel et la terre ne passeront point, dit Jésus, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé.” En observant la loi, Jésus a fait ressortir son immuabilité et a montré que, par sa grâce, les fils et les filles d’Adam peuvent parfaitement s’y conformer. Il a déclaré, sur la montagne, que pas un trait de lettre n’en disparaîtrait avant que tout ce qui concerne la race humaine et le plan du salut soit accompli. Il n’enseigne pas que la loi doit être abrogée, mais, portant ses regards jusqu’au point le plus éloigné de l’horizon humain, et afin que nul ne se méprenne sur le but de sa mission, il nous assure que, jusqu’à ce que ce point soit atteint, la loi conservera toute son autorité. Aussi longtemps que le ciel et la terre subsisteront, les saints principes de la loi de Dieu subsisteront également. Sa justice, “comme les montagnes de Dieu” (Psaumes 36:7), sera une source intarissable de bénédictions dont les ruisseaux couleront pour rafraîchir la terre.

La loi de l’Éternel étant parfaite, et, par conséquent, immuable, les pécheurs ne peuvent, par leur seule force, satisfaire à ses exigences. C’est pour cela même que le Fils de Dieu a dû venir ici-bas. Sa mission était de rendre les hommes participants de la nature divine et de rétablir l’harmonie rompue entre eux et les principes de la loi du ciel. Quand, acceptant Jésus pour notre Sauveur, nous renonçons au péché, nous exaltons la loi de Dieu. L’apôtre Paul demande: “Anéantissons-nous donc la loi par la foi? [...] Au contraire, nous confirmons la loi.” Romains 3:31.

Telle est la promesse de la nouvelle alliance: “Je mettrai mes lois dans leurs cœurs, et je les écrirai dans leur esprit.” Hébreux 10:16. S’il est vrai que le système des symboles, désignant Jésus comme l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, devait prendre fin à la mort du Christ, il n’est pas moins vrai que les principes de justice contenus dans le Décalogue sont, eux, aussi immuables que le trône éternel de Dieu. Pas un commandement n’a été annulé, pas un iota ni un trait de lettre n’ont été changés. Les principes, reconnus en Éden comme la grande loi de la vie, subsisteront sans modification jusqu’à la restauration du paradis. Quand l’Éden refleurira sur la terre, toutes les créatures qui se meuvent sous le soleil obéiront à la divine loi de l’amour.

“À toujours, ô Éternel! Ta parole subsiste dans les cieux.” Psaumes 119:89. “Toutes ses ordonnances sont véritables, affermies pour l’éternité, faites avec fidélité et droiture.” Psaumes 111:7, 8. “Dès longtemps, je sais par tes préceptes que tu les as établis pour toujours.” Psaumes 119:152.

“Celui qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux.”

Cette déclaration revient à dire que “le plus petit dans le royaume des cieux” n’y entrera pas. Celui qui transgresse volontairement un commandement n’en observe aucun, ni en esprit, ni en vérité. “Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul commandement, devient coupable de tous.” Jacques 2:10.

Ce n’est pas l’importance de la désobéissance qui détermine la gravité du péché, mais le fait de s’écarter, si peu que ce soit, de la volonté de Dieu, car cet acte implique une communion entre l’âme et le péché et montre que le cœur est partagé dans son service. La transgression est un reniement virtuel de Dieu, une rébellion contre les lois de son gouvernement.

Si les hommes pouvaient librement s’affranchir des ordres de Dieu et se tracer leur propre ligne de conduite, il y aurait autant de règles que d’individus, et le gouvernement serait enlevé des mains de Dieu. Les caprices de l’homme occuperaient la place suprême, et la haute et sainte volonté de Dieu — son dessein d’amour à l’égard de ses créatures — serait déshonorée et méprisée.

Chaque fois que les hommes veulent suivre leurs propres desseins, ils s’opposent à Dieu. Ils n’auront point de place dans le royaume des cieux car ils sont en guerre avec les principes mêmes du ciel. En se détournant de la volonté de Dieu, ils se rangent du côté de Satan, l’ennemi de Dieu et de l’homme. Ce n’est ni par une parole, ni par beaucoup de paroles, mais par toutes les paroles qui sortent de la bouche de Dieu que l’homme vivra. Nous n’en pouvons négliger un seul mot, si insignifiant qu’il nous paraisse, et nous sentir en sécurité. Il n’est pas de commandement qui ne soit pour le bien et le bonheur de l’homme pendant cette vie et dans la vie éternelle. L’obéissance à la loi de Dieu est comme une digue protégeant l’homme contre le mal. Celui qui, à un endroit quelconque, démolit le divin barrage a, par ce fait, anéanti la protection qui l’entourait; il a frayé un chemin qui permettra à l’ennemi de venir commettre ses ravages.

C’est en méprisant un point de la volonté de Dieu que nos premiers parents ouvrirent sur le monde les écluses de la calamité. Et quiconque suit leur exemple recevra la même rançon. L’amour de Dieu est la base de chaque précepte de sa loi, et celui qui en transgresse un seul travaille à son malheur et à sa ruine.

“Si votre justice ne dépasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.”

Non seulement le Sauveur, mais les disciples eux-mêmes étaient considérés par les scribes et les pharisiens comme des pécheurs, parce qu’ils ne respectaient pas les rites et les pratiques rabbiniques. Bien souvent, les disciples avaient été inquiétés et tourmentés par les réprimandes de ceux qu’ils avaient eu l’habitude de révérer comme des maîtres spirituels. Jésus dévoila le mal-fondé de leurs censures en déclarant que la justice à laquelle les pharisiens accordaient un tel prix n’avait aucune valeur. Les Israélites prétendaient être le peuple particulier et fidèle auquel Dieu avait accordé ses faveurs spéciales, alors que leur religion était dépourvue de l’essentiel: la foi qui sauve. Leur prétendue piété, leurs cérémonies, leurs traditions humaines, et même leur observance orgueilleuse des formes extérieures de la loi ne pouvaient les rendre saints. Ils ignoraient la pureté du cœur et la noblesse d’un caractère formé à l’image de celui du Sauveur.

Une religion formaliste ne suffit pas pour mettre l’âme en accord avec Dieu. La dure et froide orthodoxie des pharisiens, dénuée de repentir, de tendresse et d’amour, n’était qu’une pierre d’achoppement sur le sentier des pécheurs. Semblables au sel qui a perdu sa saveur, ils étaient impuissants à régénérer le monde ou à le préserver de la corruption. La seule foi véritable est celle qui est “agissante par la charité” (Galates 5:6) et qui purifie l’âme. C’est un levain qui transforme le caractère.

Les Juifs auraient pu trouver toutes ces vérités dans les enseignements des prophètes. Bien des siècles auparavant, le prophète Michée, répondant au soupir de l’âme humaine aspirant à la justification et à la paix avec Dieu, avait prononcé ces paroles: “Avec quoi me présenterai-je devant l’Éternel, pour m’humilier devant le Dieu Très-Haut? Me présenterai-je avec des holocaustes, avec des veaux d’un an? L’Éternel agréera-t-il des milliers de béliers, des myriades de torrents d’huile? [...] On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien; et ce que l’Éternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu.” Michée 6:6-8.

Tout en prétendant servir Dieu très scrupuleusement, c’est eux-mêmes que les Juifs servaient. Leur justice était le fruit de leurs efforts pour observer la loi d’après leurs idées personnelles et pour servir leur propre égoïsme. Mais leur service ne pouvait être meilleur qu’eux-mêmes. En cherchant à devenir saints, ils voulaient, en somme, tirer de la souillure quelque chose de pur. La loi de Dieu est aussi sainte, et aussi parfaite que Dieu est saint et parfait. Elle révèle aux hommes la justice de Dieu. Or, par lui-même, l’homme est incapable d’observer cette loi, puisque, par nature, il est dépravé, perverti et tout à fait étranger au caractère de Dieu. Les œuvres émanant d’un cœur égoïste sont impures et “toute sa justice est comme un vêtement souillé”. Ésaïe 64:5.

La loi étant sainte, et les hommes ne pouvant atteindre à la justification par leurs efforts, les disciples du Christ doivent rechercher une justice différente de celle des pharisiens s’ils veulent entrer dans le royaume des cieux. En son Fils, Dieu leur offre la justice parfaite de la loi. S’ils ouvraient leur cœur à Jésus, la vie et l’amour de Dieu demeureraient en eux et les transformeraient à son image; ainsi, par le don gratuit de Dieu, ils posséderaient la justice exigée par la loi. Les pharisiens rejetèrent le Christ. “Ne connaissant pas la justice de Dieu, et cherchant à établir leur propre justice” (Romains 10:3), ils refusèrent de se soumettre à la justice de Dieu.

Jésus, au contraire, voulant faire comprendre à ses auditeurs en quoi consiste l’observation des commandements de Dieu, révéla dans sa vie quotidienne le caractère de son Père.

“Quiconque se met en colère contre son frère mérite d’être puni par les juges.”

Par la voix de Moïse, Dieu avait déclaré: “Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. [...] Tu ne te vengeras pas, et tu ne garderas pas de rancune contre les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.” Lévitique 19:17, 18. Les vérités présentées par le Christ étaient celles que les prophètes avaient enseignées aux Israélites, mais elles avaient été obscurcies par la dureté de leur cœur et leur amour du péché.

Aussi le Sauveur leur déclare-t-il qu’en cultivant la méchanceté et la haine, ils sont tout aussi coupables que ceux qu’ils condamnent comme criminels.

De l’autre côté du rivage où ils étaient assemblés s’étendait le pays de Basan. C’était une région solitaire dont les gorges sauvages et les collines boisées étaient depuis longtemps le repaire de criminels de toute espèce. Le récit des meurtres et des crimes commis en ces lieux était encore dans tous les esprits et bien des gens condamnaient sans pitié les malfaiteurs. Et pourtant, ces zélés accusateurs étaient eux aussi emportés et querelleurs; ils nourrissaient la haine la plus violente à l’égard des Romains, leurs oppresseurs. Ils s’arrogeaient le droit de haïr et de mépriser tous les autres peuples et même ceux de leurs compatriotes dont les opinions différaient des leurs. En agissant ainsi, ils transgressaient le commandement qui déclare: “Tu ne tueras point.”

L’esprit de haine et de vengeance — dont Satan est l’auteur — fit mettre à mort le Fils de Dieu. Quiconque ouvre son cœur à la rancune et à la malveillance y accueille un esprit dont les fruits sont mortels. Le mal y est renfermé comme la plante l’est dans la semence. “Quiconque hait son frère est un meurtrier, et vous savez qu’aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui.” 1 Jean 3:15.

“Celui qui dira à son frère: Raca (stupide)! mérite d’être puni par le Sanhédrin.” En donnant son Fils pour nous racheter, Dieu a montré à quelle valeur il estime chaque être humain, et pourquoi il ne permet à personne de parler avec mépris de son prochain. Nous pouvons remarquer les fautes et les faiblesses de ceux qui nous entourent, mais Dieu déclare que tout être lui appartient, d’abord parce qu’il en est le Créateur, puis doublement, parce qu’il l’a racheté par le sang précieux de Jésus-Christ. Les hommes les plus déchus doivent être traités avec tendresse et respect. Dieu nous demandera compte de la moindre parole de mépris prononcée à l’égard d’un être pour lequel le Christ a donné sa vie.

“Qui est-ce qui te distingue? Qu’as-tu, que tu n’aies reçu? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu?” 1 Corinthiens 4:7. “Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d’autrui? S’il se tient debout, ou s’il tombe, cela regarde son maître.” Romains 14:4.

“Celui qui dira à son frère: Insensé! mérite d’être puni par le feu de la géhenne.” Dans l’Ancien Testament le mot “insensé” est employé pour désigner un apostat ou celui qui s’adonne au mal. Jésus déclare que quiconque accuse son frère d’apostasie ou de mépris envers Dieu mérite aussi la même condamnation.

Lorsque le Christ lui-même disputait à Satan le corps de Moïse il “n’osa porter contre lui un jugement injurieux”. Jude 1:9. S’il s’était laissé entraîner à accuser, il se serait placé sur le terrain du diable, car l’accusation est l’arme du malin. C’est lui que les saintes Écritures appellent “l’accusateur des frères”. Jésus refusa d’employer les armes de Satan. Il lui adressa ces paroles: “Que le Seigneur te réprime!” Jude 1:9.

Son exemple doit être le nôtre. Chaque fois que nous entrons en conflit avec les ennemis du Christ nous devons veiller à ne prononcer aucune parole vindicative. Le porte-parole de Dieu ne doit pas se servir de termes que la Majesté du ciel elle-même a refusé d’employer avec Satan. C’est à Dieu qu’appartiennent le jugement et la condamnation.

“Va d’abord te réconcilier avec ton frère.”

L’amour de Dieu est plus qu’une simple négociation; c’est un principe positif et actif, une source vive et jaillissante toujours prête à venir en aide à autrui. Si l’amour du Christ demeure en nous, non seulement nos cœurs ne pourront plus abriter de haine envers nos semblables, mais nous chercherons par tous les moyens à leur témoigner de l’intérêt et de l’affection.

Jésus a dit: “Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande.” L’offrande de celui qui se présentait devant l’autel était un acte de foi par lequel il déclarait croire qu’en son Sauveur il avait part à la miséricorde et à l’amour de Dieu. Mais exprimer sa foi en un amour divin qui pardonne, alors qu’on entretient en soi un esprit dur et implacable, ne serait qu’une comédie.

Lorsqu’un soi-disant enfant de Dieu lèse un frère ou l’offense, il présente à ce frère le caractère de Dieu sous un faux aspect. Pour que l’harmonie règne entre Dieu et le pécheur, il faut que l’homme avoue et reconnaisse ses torts. Il est possible que notre frère soit plus coupable à notre égard que nous ne le sommes vis-à-vis de lui, mais cela ne diminue en rien notre responsabilité. Si, au moment de nous présenter devant Dieu, nous nous souvenons que quelqu’un nourrit envers nous quelque rancœur, laissons là notre requête ou notre action de grâces et allons trouver la personne avec laquelle nous avons eu un différend. Confessons-lui humblement notre faute et demandons-lui pardon.

Si, d’une manière ou d’une autre, nous avons lésé quelqu’un, nous devons réparer nos torts. Avons-nous, sans le vouloir, porté un faux témoignage, répété inexactement les paroles de quelqu’un, ou, d’une façon quelconque, porté préjudice à son influence? Si oui, allons auprès de la personne en question, et rétractons toute déclaration calomnieuse.

Combien de maux pourraient être évités si, lorsque des griefs surgissent entre frères, les intéressés en parlaient entre eux dans un esprit d’amour chrétien au lieu de les exposer à droite et à gauche! Combien de ces racines d’amertume qui séparent tant de frères seraient arrachées et détruites! S’ils mettaient en pratique les enseignements de leur Maître, les disciples du Christ pourraient vivre enfin étroitement unis.

“Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur.”

L’occupation romaine en Palestine y avait amené des troupes dont les mœurs relâchées étaient un scandale permanent pour les Juifs qui, considérant ces exemples avec horreur, leur opposaient leur propre moralité. À Capharnaüm, les officiers romains, escortés de leurs joyeuses compagnes, étalaient leur inconduite sur les promenades publiques, et troublaient du bruit de leurs fêtes la tranquillité du lac sillonné par leurs bateaux de plaisir.

Le peuple espérait que Jésus censurerait sévèrement ces étrangers; aussi quelle ne fut pas la surprise des auditeurs quand, des lèvres du Maître, tombèrent les paroles qui mettaient à nu les sentiments de leurs propres cœurs!

Quand une pensée mauvaise, si secrète soit-elle, est accueillie et entretenue, dit Jésus, c’est la preuve que le péché règne encore sur le cœur et que l’âme est encore esclave de l’iniquité. Celui qui prend plaisir aux scènes impures et aux regards de convoitise peut comprendre la véritable nature du mal qu’il cache dans le secret de son âme en constatant la honte et les cuisants remords de celui qui est tombé dans le péché flagrant. La période de tentation qui précède un péché grave ne le crée pas; elle ne fait que révéler le mal qui était à l’état latent au fond de son cœur. L’homme “est tel que sont les pensées dans son âme”. Car c’est du cœur que “viennent les sources de la vie”. Proverbes 23:7; 4:23.

“Si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi.”

Pour empêcher que le mal ne s’étende à tout son corps et ne mette sa vie en danger, un homme consentirait à sacrifier sa main droite. A combien plus forte raison ne devrait-il pas être disposé à sacrifier ce qui menace la vie de son âme!

L’Évangile a pour but de racheter les âmes que Satan a dégradées et réduites en esclavage, et de les amener à la liberté glorieuse des fils de Dieu. Le dessein de Dieu n’est pas seulement de soulager les souffrances qui sont le résultat inévitable du péché, mais de nous arracher au péché lui-même. Une âme souillée et dégradée doit être purifiée et transformée avant d’être revêtue de “la grâce de l’Éternel” et rendue “semblable à l’image de son Fils”. “Ce sont des choses que l’œil n’a pas vues, que l’oreille n’a pas entendues, et qui ne sont pas montées au cœur de l’homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment.” Psaumes 90:17; Romains 8:29; 1 Corinthiens 2:9. L’éternité seule révélera la glorieuse destinée de l’homme régénéré à l’image de Dieu.

Pour atteindre un idéal si élevé, il faut sacrifier tout ce qui est pour l’âme une occasion de chute. C’est par la volonté que le péché a prise sur l’homme. La volonté de renoncer au mal est comparée au sacrifice d’un œil ou d’une main. Il nous semble parfois que se soumettre à la volonté de Dieu, c’est consentir à traverser l’existence en mutilé ou en infirme. Il est préférable, dit Jésus, de mutiler le moi, de l’amputer, de le diminuer, si ce sacrifice nous assure l’entrée dans la vie. Ce que vous regardez comme un malheur vous ouvre, en réalité, la porte du plus grand bonheur.

Dieu étant la source de la vie, nous ne pouvons obtenir cette vie que si nous sommes en communion avec lui. Séparés de Dieu, nous pouvons apparemment exister pendant un certain temps, mais nous ne possédons pas la vie. “Celle qui vit dans les plaisirs est morte, quoique vivante.” 1 Timothée 5:6. Ce n’est que lorsque nous lui abandonnons notre volonté que Dieu peut nous insuffler la sienne. C’est uniquement en renonçant à nous-mêmes, dit Jésus, que nous pourrons recevoir cette vie qui seule nous permettra de vaincre les péchés secrets dont nous avons parlé. Il nous est peutêtre possible de les dissimuler au fond de notre cœur et de les cacher aux yeux de nos semblables, mais que ferons-nous en la présence de Dieu?

En vous aimant vous-même au point de refuser de soumettre votre volonté à Dieu, vous choisissez la mort. Car, pour le péché, où qu’il se trouve, Dieu est un feu consumant et si vous choisissez le péché, si vous refusez de vous en séparer, la présence de Dieu vous consumera tous deux en même temps.

Le don de soi-même à Dieu exige un sacrifice mais c’est échanger ce qui est vil pour ce qui est noble, ce qui est terrestre pour ce qui est spirituel, ce qui est éphémère pour ce qui est éternel. Dieu ne souhaite pas anéantir notre volonté puisque ce n’est qu’en l’exerçant que nous pouvons accomplir ce qu’il désire de nous. Mais nous devons la lui abandonner pour qu’il nous la rende purifiée, régénérée et si étroitement unie à lui qu’il puisse répandre en nous les forces vives de son divin amour. Si amère et douloureuse que cette soumission paraisse au cœur volontaire et égaré, elle est “pour notre bien”. Hébreux 12:10.

C’est seulement lorsqu’il s’effondra, infirme et épuisé, sur la poitrine de l’ange de l’alliance, que Jacob connut la victoire d’une foi conquérante et reçut le titre de prince de Dieu. C’est après qu’il eut la hanche démise que les hommes d’armes d’Ésaü s’arrêtèrent devant ce boiteux et que, plus tard, le Pharaon, orgueilleux descendant d’une lignée royale, s’inclina pour recevoir sa bénédiction. C’est ainsi que le “Prince de notre salut” fut élevé à la perfection “par la souffrance”, que les enfants de la foi “furent vaillants à la guerre”, “mirent en fuite des armées étrangères” (Hébreux 11:34), que “les boiteux même prirent part au pillage” (Ésaïe 33:23) et que les faibles furent “comme David” et “la maison de David [...] comme l’ange de l’Éternel”. Zacharie 12:8.

“Est-il permis à un homme de répudier sa femme?”

Les Juifs permettaient à un homme de répudier sa femme pour les motifs les plus futiles, et à la femme de se remarier. Cette coutume entraînait bien des misères et bien des péchés. Dans le Sermon sur la montagne, Jésus déclare nettement que les liens du mariage sont indissolubles, excepté en cas d’infidélité aux vœux du mariage. Il dit: “Celui qui répudie sa femme, sauf pour cause d’infidélité, l’expose à devenir adultère, et [...] celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère.” Matthieu 5:32.

Lorsque, plus tard, les pharisiens questionnèrent Jésus au sujet de la légitimité du divorce, le Maître leur rappela l’institution du mariage, lors de la création. Il leur dit: “C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes; au commencement, il n’en était pas ainsi.” Matthieu 19:8. Jésus évoqua les jours bénis du jardin d’Éden où Dieu avait déclaré que “tout était bon”. C’est alors que le mariage et le sabbat furent institués. Ces deux institutions jumelles étaient destinées à la gloire de Dieu et au bien de l’humanité. Le couple saint s’étant donné la main, le Créateur dit: “L’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair” (Genèse 2:24), énonçant ainsi la loi du mariage pour les enfants d’Adam jusqu’à la fin des temps. Ce que le Dieu éternel lui-même avait déclaré bon, c’était la loi qui assurait à l’homme, en même temps que le plus grand bonheur, la continuité et le développement de sa race.

Comme pour tous les dons que Dieu a confiés à l’homme, le péché a posé sa sombre empreinte sur le mariage; aussi le but de l’Évangile est de lui rendre sa pureté et sa beauté. Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament les liens du mariage représentaient l’union tendre et sacrée qui existe entre le Christ et le peuple des rachetés qu’il s’est acquis sur le Calvaire. “Ne crains pas, dit-il, [...] car ton créateur est ton époux: l’Éternel des armées est son nom et ton rédempteur est le Saint d’Israël.” Ésaïe 54:4, 5. “Revenez, enfants rebelles, dit l’Éternel, car je suis votre maître.” Jérémie 3:14. Dans le Cantique des cantiques nous entendons l’épouse dire: “Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui.” Et celui qui pour elle “se distingue entre dix mille” déclare à son élue: “Tu es parfaitement belle, mon amie, et il n’y a point en toi de défaut.” Cantique des cantiques 2:16; 5:10; 4:7.

Plus tard, l’apôtre Paul, écrivant aux chrétiens d’Éphèse, déclare que le Seigneur a établi l’homme au-dessus de la femme pour qu’il la protège et qu’il entoure les membres de la famille, comme le Christ est le Chef et le Sauveur de l’Église. C’est pourquoi il est dit: “De même que l’Église est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à leurs maris en toutes choses. Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l’avoir purifiée par le baptême d’eau, afin de faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. C’est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes.” Ephésiens 5:24-28.

Seule la grâce du Christ peut faire de cette institution ce que Dieu désirait qu’elle fût: une source de bénédictions et d’édification pour l’humanité. Et c’est ainsi que, par leur union, leur paix et leur amour, les membres d’une famille peuvent dès ici-bas représenter la grande famille céleste.

Aujourd’hui, comme au temps de Jésus, l’état de la société offre une triste caricature de cet idéal. Et, cependant, même à ceux qui n’ont trouvé dans le mariage qu’amertume et déception au lieu de l’affection et de la joie auxquelles ils s’attendaient, l’Évangile du Christ apporte une consolation. La patience et la douceur que son Esprit communique adouciront leurs tristesses. Celui dans lequel le Sauveur demeure sera tellement rempli et rassasié de son amour qu’il ne cherchera plus à attirer la sympathie ou l’attention. En s’abandonnant complètement à Dieu, il permettra à la sagesse divine d’agir là où la sagesse humaine est impuissante. Sous l’influence de la grâce divine, des cœurs indifférents ou même hostiles pourront se rapprocher et s’unir par les liens solides et éternels d’un amour idéal qui triomphera de toutes les épreuves.

“Je vous dis de ne jurer aucunement.”

Le Christ nous donne les raisons de ce commandement: “Je vous dis de ne jurer aucunement, ni par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu; ni par la terre, parce que c’est son marchepied; ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand roi. Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux rendre blanc ou noir un seul cheveu.” Matthieu 5:33-36.

Toutes choses viennent de Dieu. Nous ne possédons rien que nous n’ayons reçu et rien non plus qui ne nous ait été acquis par le sang du Christ. C’est de la croix que nous parviennent toutes choses et tout ce que nous recevons porte sa marque puisque tout a été racheté pour nous par un sang précieux et inestimable entre tous: la vie même de Dieu. Aussi n’avons-nous rien qui nous appartienne réellement à offrir en garantie de notre parole.

Les Juifs considéraient le troisième commandement comme leur interdisant d’employer le nom de Dieu en vain. Mais ils se réservaient de faire d’autres serments. On jurait d’ailleurs communément parmi eux. Et si Moïse leur avait enseigné à ne pas être parjures, ils avaient inventé bien des moyens pour se libérer des obligations imposées par leurs serments. Ils ne craignaient pas de blasphémer ni de parjurer lorsqu’ils estimaient pouvoir se couvrir par quelque subterfuge légal.

Jésus condamna leurs pratiques, déclarant que leurs serments étaient une transgression du commandement de Dieu. Mais le Sauveur n’interdit point le serment judiciaire dans lequel Dieu est solennellement pris à témoin que la déclaration énoncée est la vérité, et rien que la vérité. Lorsque Jésus fut lui-même traduit devant le Sanhédrin, il ne refusa pas de prêter serment. Prenant la parole, le souverain sacrificateur lui dit: “Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu. Jésus lui répondit: Tu l’as dit.” Matthieu 26:63, 64. Si, au moment où il prononça le Sermon sur la montagne, Jésus avait condamné le serment judiciaire, il aurait repris le souverain sacrificateur, et, pour le profit de ses disciples, il aurait ainsi souligné son propre enseignement.

Beaucoup trompent leurs semblables sans aucune crainte, pourtant ils ont appris et le Saint-Esprit leur a montré combien il est terrible de mentir à son Créateur. Celui qui est appelé à prêter serment comprend que ce n’est pas seulement devant les hommes, mais devant Dieu qu’il le fait. S’il rend un faux témoignage, c’est en présence de celui qui sonde les cœurs et qui connaît la vérité. Le souvenir des châtiments terribles qui ont frappé ceux qui s’étaient rendus coupables d’un tel péché le dissuade de les imiter.

Si quelqu’un peut sincèrement prêter serment, c’est bien le chrétien. Il vit constamment en présence de Dieu, sachant que ses pensées sont comme un livre ouvert devant celui auquel nous devons rendre compte. Aussi, lorsqu’un chrétien est appelé à prêter serment, il est naturel qu’il se réclame de Dieu, témoin de la véracité de ses déclarations.

Jésus pose un principe destiné à rendre les serments inutiles: nos paroles devraient toujours être strictement vraies. “Que votre parole soit oui, oui, dit-il, non, non; ce qu’on y ajoute vient du malin.”

Ainsi se trouvent condamnées les phrases dénuées de sens et toutes les formules vaines qui frisent le blasphème, les compliments trompeurs et les libertés que l’on prend avec la vérité: flatteries, exagérations, fraudes commerciales qui sont courantes dans la société et dans le monde des affaires. Quiconque donc cherche à paraître ce qu’il n’est pas, ou dont les paroles ne sont pas le reflet exact des sentiments, ne peut être appelé véridique.

Si ces paroles du Christ étaient pratiquées, elles mettraient un frein aux critiques et aux soupçons malveillants. Car quelle certitude avons-nous de ne pas nous tromper quand nous parlons des actes et des mobiles d’autrui? Combien de fois l’orgueil, la colère, le ressentiment personnel ne viennent-ils pas influencer nos impressions ou nos dires? Un regard, une parole, une intonation peuvent constituer de vrais mensonges. Même des faits authentiques peuvent être exposés d’une manière trompeuse. Et “ce qu’on y ajoute vient du malin”.

Tous les actes du chrétien doivent être aussi clairs que la lumière du soleil. La vérité vient de Dieu. La tromperie, sous quelque forme qu’elle se présente, vient de Satan. Quiconque s’écarte de la ligne droite de la vérité se place imprudemment sous la puissance du malin. Et cependant, il n’est ni aisé, ni facile de dire la vérité. Nous ne pouvons en témoigner que si nous la connaissons. Trop souvent il arrive que des idées préconçues, des préjugés, une connaissance imparfaite des faits, des erreurs de jugement nous empêchent de bien comprendre les problèmes qui nous préoccupent. Nous ne pouvons parler avec vérité que si nous sommes guidés par celui qui est la Vérité.

Par la voix de l’apôtre Paul, le Christ nous dit: “Que votre parole soit toujours accompagnée de grâce.” Colossiens 4:6. “Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, mais, s’il y a lieu, quelque bonne parole, qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui l’entendent.” Ephésiens 4:29. A la lumière de ces déclarations, on se rend compte que Jésus, dans le Sermon sur la montagne, condamne les plaisanteries malsaines, les paroles vaines et les conversations légères. Il exige que nos paroles soient non seulement vraies, mais pures.

Ceux qui connaissent le Sauveur ne prendront “point part aux œuvres infructueuses des ténèbres”. Ephésiens 5:11. Dans leurs paroles comme dans leur conduite ils seront simples, véridiques et sincères; car ils se préparent à vivre en compagnie de ceux dans la bouche desquels “il ne s’est pas trouvé de mensonge”. Apocalypse 14:5.

“Je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre.”

Les Juifs étaient sans cesse irrités par leur contact avec les soldats romains. Des détachements de troupes stationnaient ici et là dans toute la Judée et la Galilée et leur présence rappelait constamment au peuple son humiliation politique. L’âme remplie d’amertume, ils écoutaient le son de la trompette et voyaient les troupes se ranger autour de l’étendard de Rome, puis se prosterner pour rendre hommage au symbole de sa puissance. Les querelles entre le peuple et les soldats étaient fréquentes et elles contribuaient à enflammer la haine populaire. Il arrivait souvent qu’un officier romain, traversant la contrée avec son escorte, obligeât les paysans juifs qui travaillaient dans les champs à porter des fardeaux jusqu’au sommet de la montagne ou à rendre tout autre service de ce genre. Cette manière de faire était conforme à la loi et aux coutumes romaines, et la moindre résistance aurait amené des insultes et des représailles de la part des vainqueurs.

Chaque journée qui s’écoulait augmentait dans le cœur du peuple le désir de s’affranchir du joug étranger. Cet esprit d’insurrection était fréquent surtout parmi les rudes et intrépides Galiléens. Capernaüm, ville frontière, étant le siège d’une garnison romaine, il se trouva qu’au moment où Jésus parlait, le passage d’un groupe de soldats vint rappeler l’humiliation d’Israël à ses auditeurs. Le peuple, qui voyait en Jésus celui qui devait humilier l’orgueil romain, dirigea instinctivement ses regards dans sa direction.

Avec pitié, Jésus considère les visages de ses auditeurs tournés vers lui. Il voit que l’esprit de vengeance les a marqués de son sceau et il sent combien est ardent leur désir d’écraser l’oppresseur. Il les exhorte par ces paroles: “Je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre.”

Ces paroles n’étaient qu’une répétition des enseignements de l’Ancien Testament. Il est vrai que la règle: “œil pour œil, dent pour dent” figurait dans les lois communiquées par Moïse, mais c’était une ordonnance juridique. Rien ne justifiait la vengeance personnelle; l’Éternel avait dit: “Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi.” “Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger; s’il a soif, donne-lui de l’eau à boire. Car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête.” “Ne dis pas: Je rendrai le mal.” “Ne dis pas: Je lui ferai comme il m’a fait.” Proverbes 24:17; 25:21, 22; 20:22; 24:29.

Toute la vie terrestre de Jésus fut une manifestation de ce principe. C’est pour apporter le pain de vie à ses ennemis que notre Sauveur quitta sa demeure céleste. Malgré la calomnie et la persécution qui, de sa naissance à sa mort, s’acharnèrent sur lui, on ne put obtenir de lui que des paroles de pardon. Par la bouche du prophète Ésaïe, il déclare: “J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe; je n’ai pas dérobé mon visage aux ignominies et aux crachats.” Ésaïe 50:6. “Il a été maltraité et opprimé, et il n’a pas ouvert la bouche, semblable à un agneau qu’on mène à la boucherie, à une brebis muette devant ceux qui la tondent; il n’a pas ouvert la bouche.” Ésaïe 53:7. Et, sur la croix du Calvaire, il priera pour ses meurtriers et adressera un message d’espérance au brigand agonisant.

Le Père entourait son Fils de sa présence, et l’amour infini ne permit rien qui ne fût pour le bien du monde. C’est dans cette pensée que Jésus puisait sa consolation et c’est là aussi que doit se trouver la nôtre. Celui qui est rempli de l’esprit du Christ demeure en lui. Le coup qui lui est destiné frappe le Sauveur qui l’entoure de sa présence. Tout ce qui lui arrive vient de Dieu. Point n’est besoin qu’il résiste au mal, car le Christ est sa défense. Rien ne peut l’atteindre sans la permission du Seigneur et “toutes les choses” permises “concourent au bien de ceux qui aiment Dieu”. Romains 8:28.

“Si quelqu’un veut plaider contre toi et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Si quelqu’un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui.” Matthieu 5:40, 41.

Jésus ordonne à ses disciples, tentés de résister aux autorités, de faire plus qu’il ne leur est demandé et de s’acquitter, autant que possible, de toute obligation, même si elle dépasse ce qui est légalement requis. La loi transmise par Moïse enjoignait aux Juifs de témoigner de grands égards aux pauvres. Lorsqu’un malheureux donnait son vêtement comme gage de sa parole ou de sa dette, le créancier ne devait pas même entrer dans sa demeure pour le chercher, mais il devait attendre dans la rue qu’on le lui apportât. Et quelles que fussent les circonstances, le gage devait être rendu à son propriétaire au coucher du soleil.

Bien qu’on fit peu de cas de ces égards à son époque, Jésus enseigna à ses disciples à respecter les décisions du tribunal, même si elles exigeaient d’eux plus que n’autorisait la loi de Moïse. Allait-on jusqu’à les priver d’une partie de leur vêtement, ils devaient se soumettre et accepter la décision. Bien plus, ils devaient rendre son dû au créancier et lui céder même, s’il le fallait, plus que le tribunal ne lui avait accordé. “Si quelqu’un veut plaider contre toi, leur disait-il, et prendre ta tunique, laisse-lui aussi ton manteau.” Et si les courriers de l’empereur te forcent à faire un mille avec eux, fais-en deux.

Jésus ajoute: “Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.” Par Moïse, Dieu avait d’ailleurs donné cette injonction: “Tu n’endurciras pas ton cœur et tu ne fermeras pas ta main devant ton frère indigent. Mais tu lui ouvriras ta main, et tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins.” Deutéronome 15:7, 8. Ce texte complète les paroles du Sauveur. Le Christ ne nous enseigne pas à donner aveuglément à tous ceux qui demandent la charité, mais il dit: “Tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins.” Et ce sera un don plutôt qu’un prêt car il est dit: “Prêtez sans rien espérer.” Luc 6:35.

“Aimez vos ennemis.”

La leçon du Sauveur: “Ne résistez pas au méchant” était dure aux oreilles des Juifs belliqueux, aussi murmurèrent-ils entre eux. Mais Jésus ajouta:

“Vous avez appris qu’il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux.”

Tel était l’esprit de cette loi que les rabbins avaient réduite à un code d’exigences froides et rigides. Ils se considéraient comme meilleurs que les autres peuples, estimant que leur race leur donnait droit à des faveurs spéciales de la part de Dieu. Mais le Christ leur montra que c’était en manifestant un esprit d’amour et de miséricorde qu’ils prouveraient la supériorité de leurs principes sur ceux des publicains et des pécheurs qu’ils méprisaient.

Jésus présente à ses auditeurs celui qui règne sur l’univers sous le nouveau nom de “notre Père”. Il voulait leur faire comprendre, par là, toute la tendresse avec laquelle le cœur de Dieu soupirait après eux. Il leur enseigna que Dieu aime toutes les âmes perdues; que, “comme un père a compassion de ses enfants, l’Éternel a compassion de ceux qui le craignent”. Psaumes 103:13. Aucune religion, si ce n’est celle de la Bible, n’avait présenté une telle conception de Dieu au monde. Le paganisme enseignait à l’homme à considérer l’Être suprême avec effroi plutôt qu’avec amour, comme une divinité cruelle qui veut être apaisée par des sacrifices, et non comme un Père qui répand sur ses enfants le don de son amour. Israël lui-même s’était montré à tel point rebelle aux précieux enseignements des prophètes concernant la personne de Dieu, que cette révélation de l’amour paternel était pour eux une conception tout à fait nouvelle.

Les Juifs prétendaient que Dieu aimait ceux qui le servaient — c’est-à-dire, selon leurs idées, ceux qui répondaient aux exigences des rabbins — et que tout le reste du monde vivait dans un état de disgrâce et de malédiction. Mais Jésus déclara qu’il n’en était pas ainsi. Tous les hommes — les bons comme les mauvais — bénéficient du rayonnement de son amour, vérité qu’ils auraient pu découvrir dans la nature, “car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes”.

Ce n’est pas grâce à une puissance qui lui serait propre que chaque année la terre produit ses richesses et poursuit sa course autour du soleil. La main de Dieu dirige les planètes et assure l’ordre de leur marche à travers le firmament, et c’est par sa puissance que l’été et l’hiver, les semailles et la moisson, le jour et la nuit se suivent en une succession ininterrompue. C’est par sa parole que la végétation fleurit, que les feuilles apparaissent et que les fleurs éclosent. Tout ce dont nous jouissons, que ce soit un rayon de soleil, ou une ondée rafraîchissante, chaque parcelle de nourriture que nous prenons, chaque moment même de notre existence, tout est un don de son amour.

Alors que notre caractère était dépourvu de vertus et d’attraits, alors que, haïssables nous-mêmes, nous nous haïssions les uns les autres, notre Père céleste eut pitié de nous. “Lorsque la bonté de Dieu, notre Sauveur, et son amour pour les hommes ont été manifestés, il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde.” Tite 3:4, 5. Si nous acceptons son amour, cet amour nous rendra aimables et tendres, non seulement pour ceux que nous aimons, mais encore pour les plus coupables, les plus vicieux et les plus égarés des hommes.

Les enfants de Dieu sont ceux qui participent de sa nature. Ce n’est ni le rang terrestre, ni la naissance, ni la race, ni les privilèges religieux qui font de nous des membres de la famille céleste. C’est l’amour, un amour qui embrasse l’humanité tout entière. Même les pécheurs dont le cœur n’est pas irrémédiablement fermé à l’Esprit de Dieu sont susceptibles de répondre à la bonté; de même qu’ils rendent la haine pour la haine, ils rendront l’amour pour l’amour. Mais ce n’est que par l’Esprit de Dieu qu’ils agiront ainsi. Témoigner de la bonté aux ingrats et aux méchants, faire du bien sans rien attendre en retour, voilà les signes irréfutables auxquels on reconnaît les citoyens du royaume des cieux, et par lesquels les enfants du Très-Haut attestent leur filiation divine.

“Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.”

Le mot “donc” indique une conclusion découlant de ce qui précède. Jésus a décrit à ses auditeurs l’amour et la miséricorde infaillibles de Dieu et il les exhorte à être parfaits. Puisque votre Père céleste est “bon pour les ingrats et pour les méchants”, puisqu’il s’est abaissé afin de vous élever, il vous est possible de devenir semblables à lui par le caractère et de vous tenir irrépréhensibles en présence des hommes et des anges.

Les conditions requises sous la grâce pour hériter la vie éternelle sont exactement ce qu’elles étaient en Éden: une justice parfaite, une vie en harmonie avec Dieu, en conformité absolue avec les principes de sa loi. L’idéal de caractère présenté dans le Nouveau Testament est semblable à celui de l’Ancien. Cet idéal n’est pas hors de notre atteinte. Chaque commandement, chaque ordre de Dieu renferme une promesse précise. Dieu a fait en sorte que nous puissions devenir semblables à lui, et il accomplira cette œuvre pour tous ceux qui ne s’obstinent pas contre l’influence de sa grâce.

Notre Dieu nous a aimés d’un amour inexprimable et c’est dans la mesure où nous comprenons la longueur, la largeur, la profondeur et la hauteur de cet amour dépassant toute intelligence, que le nôtre répond au sien. Par la vision de la beauté attirante du Christ, par la connaissance de l’amour qu’il a témoigné aux hommes alors qu’ils étaient encore des pécheurs, le cœur humain est touché et soumis, le pécheur se transforme et devient un enfant du ciel. Dieu n’emploie jamais de mesures coercitives. C’est par l’amour qu’il déracine le péché du cœur humain, et c’est ainsi que l’orgueil cède la place à l’humilité et l’incrédulité à l’amour et à la foi.

Aux Juifs qui s’efforçaient en vain d’atteindre à la perfection par leurs propres efforts, Jésus avait déclaré que leur justice ne leur ouvrirait jamais les portes du royaume de Dieu. Il va leur indiquer maintenant les caractéristiques de la véritable justice. Depuis le début de son sermon il en a énuméré les fruits, et voici maintenant qu’en une phrase il en indique la source et la nature: être parfait, comme Dieu est parfait. La loi n’est qu’une représentation du caractère de Dieu. Considérons dans la personne de notre Père céleste la réalisation parfaite des principes qui sont à la base de son royaume.

Dieu est amour. Comme les rayons lumineux partent du soleil, l’amour, la lumière et la joie jaillissent de lui vers toutes ses créatures. Il est dans sa nature de donner et sa vie même est la source de l’amour désintéressé. Il désire que nous soyons parfaits comme lui-même est parfait. Nous devons être pour notre entourage un foyer de lumière et de bénédiction comme il en est un pour l’univers. Nous n’avons rien par nous-mêmes, mais la lumière de son amour resplendit sur nous et nous devons en réfléchir l’éclat. Grâce à cette perfection dont il nous recouvre, nous pouvons être parfaits dans notre sphère comme Dieu lui-même est parfait dans la sienne.

Jésus a dit: “Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.” Si vous êtes enfants de Dieu, vous participez de sa nature, et vous ne pouvez faire autrement que lui ressembler, car tout enfant vit de la vie de son père, et, engendrés par son Esprit, vous vivez de la vie de Dieu. Dans le Christ se trouve “toute la plénitude de la divinité” (Colossiens 2:9), et sa vie est manifestée “dans votre chair mortelle”. 2 Corinthiens 4:11. Cette vie produira en vous les mêmes fruits qu’en Jésus et votre caractère s’identifiera au sien. C’est ainsi que vous serez en harmonie avec chaque précepte de sa loi. Car “la loi de l’Éternel est parfaite, elle restaure l’âme”. Psaumes 19:8. Par le moyen de l’amour, la “justice de la loi” sera “accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l’Esprit”. Romains 8:4.